Ce matin, à quelques heures de l’entrée en conclave des cardinaux électeurs, Clotilde Brossollet revient sur les particularités de cette période durant laquelle l’Église est en attente d’un nouveau pape, des particularités qui montrent que l’Église relève d’un ordre bien plus que temporel.
Mercredi dernier, je rappelais que le pape nous était donné et que contrairement à la monarchie où, à la mort du souverain, succède immédiatement le suivant, contrairement à notre République qui prévoit, en cas d’empêchement du Président, l’intérim par le Président du Sénat, l’Église, elle, assume la vacance du Saint-Siège. Un pape est mort et tant que le suivant n’est pas élu, l’Église poursuit sa mission mais l’institution, elle, se met en pause, sans que cela ne la fragilise. Bien sûr, les affaires courantes sont assurées. Les fidèles continuent de recevoir les sacrements, d’annoncer l’Évangile, les prêtres continuent de célébrer, les évêques d’assurer la charge de leur diocèse.
L’Église des croyants poursuit la mission reçue à son baptême, tandis que l’Église de Rome, elle, se tait. Personne n’assure l’intérim : les audiences sont suspendues, tout comme les bénédictions du dimanche ou les canonisations. Et si une guerre se déclenchait, si une catastrophe se produisait, il n’y aurait personne pour parler au nom de l’Église universelle. Le siège de Rome est vide mais l’Église peut assumer cette vacance car elle ne craint pas cette absence que la mort du pape lui impose. Elle sait que depuis 2000 ans, c’est une longue chaîne des pasteurs qui lui a permis de traverser l’histoire. Elle sait qu’elle n’a pas à craindre l’absence car elle ne se sait réduite à son pouvoir temporel, qui, lui, peut se taire, quelques jours.
Avec la vacance du Saint-Siège, commençaient les Congrégations générales suivies aujourd’hui du conclave et si l’Église de Rome est vacante, son silence n’est pas qu’institutionnel car il concerne aussi tous ceux qui participent à l’élection du nouveau pape. Ces derniers jours nous aurions déjà dû vivre le grand silence, non pas sur la Terre, comme le samedi saint mais sur la Place Saint-Pierre. Le secret auquel les cardinaux sont soumis ne débute pas aujourd’hui avec le commencement du conclave, il a débuté dès l’enterrement du pape François, avec l’ouverture des Congrégations générales.
Ce grand silence est si loin de la fureur des campagnes électorales où chaque candidat se doit de parler plus fort que l’autre, d’avoir la phrase qui fera parler de lui. Là encore l’Église donne le signe que c’est dans le silence que le souverain pontife est choisi. Plus encore que la règle du secret absolu, il me semble qu’il s’agit bien de silence car les cardinaux, une fois le conclave commencé, non seulement sont toujours tenus de ne rien dire de leurs échanges et des votes, mais l’isolement tant technologique que physique dans lequel ils sont retirés du monde, les réduit non pas uniquement à se taire mais bien à s’extraire de la fureur du monde.
On ne peut tout de même pas dire que la Place Saint-Pierre ait été très silencieuse ces derniers jours… Je le déplore. Le commencement du conclave marque une étape bien plus forte dans l’entrée de ce grand silence et j’espère que les catholiques, que soient les fidèles sur les réseaux sociaux, ou les médias, sauront appliquer à eux-mêmes ce grand silence et cesseront de chercher absolument à devancer ce qu’il va advenir. Jusqu’à présent, nous n’avons pas su accompagner ce premier temps de silence, fébriles que nous sommes à toujours vouloir savoir, à toujours prévoir. Essayons donc d’être les témoins de ce grand silence que vivent les cardinaux, car c’est bien dans l’absence et le silence que Dieu se donne.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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