Au sein du conclave, des cardinaux de tous les ordres religieux

En plus d’avoir marqué les esprits en étant pape des pauvres et le pape des périphéries, François aura aussi été le premier pape jésuite, un ordre donc plus habitué à servir le pape qu’à voir un des siens devenir souverain pontife. Rien ne dit qu’un autre ordre, ou même qu’un autre jésuite monte sur la chaire de Pierre pour succéder à François. Au sein du collège cardinalice, 33 cardinaux électeurs sont issus d’une congrégation religieuse. 18 d’entre elles seront représentées au sein de la Chapelle Sixtine. 

Les salésiens, famille majoritaire au conclave

5 cardinaux salésiens éliront le prochain souverain pontife. Les cardinaux Charles Maung Bo, Virgilio Do Carmo da Silva, Ángel Fernández Artime, Cristóbal López Romero et Daniel Sturla Berhouet représenteront la congrégation fondée par Saint Jean Bosco en 1859 en Italie. Les salésiens ont pour principale occupation l’éducation des jeunes et tiennent à ce titre des écoles et des foyers. Congrégation plutôt récente, les salésiens de Don Bosco n’ont jamais vu un des leurs accéder à la papauté. Aucun des salésien présent au conclave n’a été cité dans les médias comme un papabile, ces cardinaux que l’on suppose capable d’endosser la charge papale.

Originaire du Myanmar, Charles Maung Bo a été fait cardinal par François en 2015. Beaucoup apprécient ses qualités de pasteur et sa culture. Le cardinal écrit lui-même des pièces de théâtre. Plutôt orthodoxe, le cardinal Bo n’est pas progressiste, tout en s’étant souvent prononcé en faveur de François. Sa capacité à avoir mené l’Église au milieu de l’instabilité birmane est très respectée. 

Virgilio Do Carmo da Silva est lui aussi un cardinal asiatique. Originaire du Timor oriental et élevé à la pourpre cardinalice en 2022, il est parvenu à acquérir de la notoriété suite à la visite de François au Timor, pays le plus catholique du monde, fin 2024. 

L’espagnol Ángel Fernández Artime est un fidèle disciple de François. Très porté sur les questions lié à la jeunesse et aux prisons, le salésien a soutenu François et ses positions sur l’immigration et la Guerre en Ukraine. Il officie actuellement au Vatican au sein du dicastère pour les instituts de vies consacrées et des sociétés de vies apostoliques. 

Cardinal de Rabat au Maroc, Cristóbal López Romero incarne la dimension diplomatique de l’Eglise. Originaire d’Espagne, il a représenté l'Église au Paraguay et en Bolivie. Participant au Synode sur la synodalité, il a notamment pris parole en faveur des migrants. Il est lui aussi favorable à la ligne défendue par François. 

Enfin, l'uruguayen Daniel Sturla Berhouet est lui plutôt héritier de la pensée de Benoît XVI. Porté sur l’aide de son prochain, au milieu d’une église uruguayenne qui a tendance à se refermer sur elle-même, Sturla prône plutôt l’ouverture, “mais avec certaines règles”.

Un successeur jésuite ? 

La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique fondé en 1540 par saint Ignace de Loyola. Guidés par leur constitution, les jésuites ne doivent pas, en principe, se distinguer par un habit différent de celui des prêtres séculiers, ni rechercher les honneurs. Ils promettent de « ne rien faire pour obtenir une prélature ou dignité en dehors de la Compagnie, et de ne pas consentir à ce que leur personne soit choisie pour une telle charge, autant qu’il dépend d’eux, à moins d’y être contraints par l’obéissance envers qui peut leur commander sous peine de péché. » En raison de cette vocation particulière, les jésuites sont peu représentés parmi les évêques et les cardinaux. Le pape François est ainsi le premier pape jésuite de l’histoire de la papauté.

Ne rien faire pour obtenir une prélature ou dignité en dehors de la Compagnie, et de ne pas consentir à ce que leur personne soit choisie pour une telle charge, autant qu’il dépend d’eux, à moins d’y être contraints par l’obéissance envers qui peut leur commander sous peine de péché. 

Parmi les neuf cardinaux jésuites actuellement membres de la curie, seuls quatre participeront à l’élection du prochain souverain pontife. Jean-Claude Hollerich, probablement le plus connu d’entre eux, est parfois évoqué comme un possible successeur de François. Prélat luxembourgeois de 66 ans, ancien missionnaire au Japon, il est archevêque de Luxembourg et a été créé cardinal le 5 octobre 2019 par le pape François. Membre du Conseil des neuf cardinaux qui assistait le pape dans la gouvernance de l’Église, il est également rapporteur général du Synode sur la synodalité. Il est considéré comme l'une des voix les plus progressistes de ce conclave.

Michael Czerny, 78 ans, figure lui aussi parmi les proches du pape François. Né en Tchécoslovaquie, il est ordonné prêtre dans la province jésuite du Canada. Après une vie de mission aux quatre coins du monde, il est créé cardinal le 5 octobre 2019, puis nommé préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral en 2022. Il est aujourd’hui perçu comme l’un des gardiens de l’héritage du pape François.

Représentant deux continents éloignés de l’Europe, Angel Sixto Rossi et Stephen Chow Sau-Yan illustrent la dimension multiculturelle du conclave. Le cardinal Rossi, Argentin de 66 ans, est archevêque de Córdoba et a été créé cardinal le 30 septembre 2023. Quant au cardinal Stephen Chow Sau-Yan, évêque de Hong Kong âgé de 65 ans, il a également été créé cardinal à la même date.

Une importante délégation franciscaine

Bien qu’ils soient 8, les franciscains ne représentent pas une famille unie, étant répartis en trois ordres. Luis Cabrera Herrera, Pierbattista Pizzaballa, Jaime Spengler et Leonardo Steiner représentent les Frères Mineurs, François-Xavier Bustillo, Mauro Gambetti et Dominique Mathieu les Frères Mineurs conventuels, et Fridolin Ambongo Besungu les capucins. Héritiers de Saint François d’Assise, les franciscains sont connus pour leur idéal de pauvreté et de fraternité. Saint François vivait lui-même sur les routes d’Italie avant de fonder en 1210 l’ordre. Parmi les franciscains au conclave, 3 sont pressentis comme papabili, un de chaque ordre. 

Pierbattista Pizzaballa, Frère Mineur, est le patriarche latin de Jérusalem. Fait cardinal par François en 2023, l’italien de naissance a intégré un séminaire mineur à l’âge de 11 ans, rêvant de prêcher en Chine. Arrivé à Jérusalem à 25 ans pour y étudier la théologie, il n'en est jamais reparti. Au départ “perdu”, il apprend rapidement l’hébreu moderne et développe l'inter religiosité avec le judaïsme. Après les attaques du 7 octobre, il appelle à la fin de la guerre et à la “violence insensée”. Si tous reconnaissent à Pizzaballa son expérience, beaucoup le considèrent encore trop jeune. Le cardinal s’exprime aussi peu sur ses ambitions pour l’Eglise et sur sa vision de la théologie, si ce n’est qu’il est plutôt contre la nomination de femmes diacres, et favorable à la prise de position de l’Eglise sur l’immigration. Sa nomination serait aussi perçue comme trop politique, dans un contexte tendu au Proche-Orient.

Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu est le seul représentant des capucins au sein des cardinaux électeurs, ses 4 quatre frères cardinaux capucins ne pouvant plus voter. Archevêque de Kinshasa et nommé cardinal en 2022, le prélat originaire de République Démocratique du Congo est vu comme favori parmi les cardinaux africains. Opposant politique au président de RDC, beaucoup pointent toutefois du doigt ses contradictions. Défenseur de l’idée que le baptême n’est pas nécessaire pour le salut des âmes, il est toutefois critique du déclin de la chrétienté en Occident. Ses détracteurs pointent aussi le manque de vocations dans son diocèse, alors qu’elles augmentent en Afrique. Vu comme un papabile depuis plusieurs années, Ambongo reste néanmoins un candidat sérieux à la chaire de Pierre et pourrait être le premier pape africain. 

Enfin, le corse François-Xavier Bustillo s’est voué aux Frères Mineurs conventuels. Fait cardinal par François en 2023, le très médiatique cardinal corse et ancien directeur du couvent Saint Maximilien Kolbe à Lourdes a véritablement marqué les esprits en organisant la venue de François en Corse fin 2024. Plutôt porteur d’espérance au sein de l’Église, certains lui reprochent toutefois sa jeunesse. À 56 ans, Bustillo est le 8ème cardinal le plus jeune du collège. Il reste pour beaucoup un papabile moins crédible que Jean-Marc Aveline