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LE POINT DE VUE D'AYMERIC CHRISTENSEN -Du 16 au 27 mai 2025, les députés examinent la proposition de loi relative au « droit à l’aide à mourir ». Un sujet de société très clivant, qui ouvrirait à un choix de société radical, dont les conséquences ont de quoi inquiéter.
Ce n’est pas un débat sans fin, c’est un débat sans retour. L’euthanasie et le suicide assisté ont été portés, promus, poussés par un rouleau compresseur idéologique de militants et d’institutions déterminés – dont des mutuelles, ce qui devrait au minimum inquiéter un peu…
Un débat faussé, aussi, qui n’a pas pu être apaisé parce que trois conditions n’ont jamais été remplies. Trois conditions simples, pourtant : un cadre de départ clair et égalitaire, le respect des opinions opposées, et l’absence de manipulation du langage. Aucune des conditions n’a été rempli. Voyez le cadre actuel : les soins palliatifs manquent tellement de moyens qu’ils sont presque l’exception là où ils devraient être la norme. Ça fait 25 ans qu’aucune ambition politique n’a permis d’améliorer vraiment les conditions de la fin de vie dans notre pays. Résultat : on nous dit qu’il faut changer une loi… qui n’est même pas réellement appliquée.
Que dire du respect de ceux qui essaie de résister à cette pression ? Depuis des années, leurs arguments sont caricaturés, on cherche à les réduire à une opinion religieuse pour mieux les disqualifier… C’est indigne, d’une part parce que les croyants ont le même droit que tout le monde de participer au débat public, mais surtout parce qu’on invisibilise au passage tous les soignants et toutes les personnes handicapées qui s’inquiètent aussi de ce qu’une telle loi ferait peser sur les plus vulnérables.
Quant au vocabulaire employé, l’intitulé de la loi ne parle pas d’euthanasie ni de suicide assisté, mais d’un « droit à l’aide à mourir ». Sur ce sujet, le vocabulaire est systématiquement édulcoré, adapté, on tord les mots pour rendre l’idée plus supportable, plus acceptable. C’est le concept de « dignité » accaparé dans un seul sens. C’est l’expression « fin de vie » employée comme euphémisme constant. C’est l’« aide à mourir », et même ce « droit à l’aide à mourir », brandis parce qu’ils font moins peur…
Le grand promoteur de la loi, le député Olivier Falorni, l’a dit clairement ces derniers jours dans l’Hémicycle : s’il refuse l’emploi du terme « euthanasie », c’est parce que (je le cite) « le mot a été souillé par l’histoire ; les nazis ont souillé ce terme ». On croirait entendre cet écrivain qui osait, au lendemain de la guerre : « Hitler a déshonoré l’antisémitisme » ! Mais regardez le peu de réactions qu’une phrase pourtant si lourde provoque…
Je l’espère… Il faut bien l’espérer. Vous savez : longtemps, la société – et plus particulièrement la gauche – s’est honorée de rappeler que les libertés individuelles ne sont jamais juste des droits, mais qu’elles ont des conséquences sociales. Refuser de basculer dans un modèle d’euthanasie et de suicide assisté, ce n’est pas une position dogmatique, c’est une attention à celles et ceux sur qui, demain, cette loi fera peser une grave pression.
Cette dérive est manifeste dans tous les pays qui ont déjà fait ce choix. Une société où il sera plus facile et moins coûteux d’accéder à la mort qu’aux soins permettant de vivre dans de bonnes conditions, c’est une société validiste et ultralibérale. Est-ce cela que nous voulons ? Il est encore temps de dire non.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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