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"Avec le projet de loi sur la fin de vie, on va vers une perte de ce qu'est l'éthique"

"Avec le projet de loi sur la fin de vie, on va vers une perte de ce qu'est l'éthique"

Un article rédigé par Emmanuelle Gründ - RCF, le 19 mai 2025 - Modifié le 20 mai 2025
L'Invité de la MatinaleFin de vie : la position d'Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique

A l'assemblée nationale, les députés s'apprêtent à chambouler la conception française de la fin de vie. Samedi, dans un hémicycle presque vide, la création du droit à l'aide à mourir a été adopté par 75 voix pour et 41 contre.  Un vote sur l'ensemble du texte doit avoir lieu le 27 mai. Alors, est-ce un changement anthropologique majeur ? Quelles conséquences éthiques de cette évolution législative ? Est-ce une loi de fraternité comme l'affirme Emmanuel Macron ? Décryptage de cette semaine décisive avec Emmanuel Hirsch, professeur émérite d'éthique médicale, membre de l'Académie de médecine et auteur « Devoir mourir digne et libre » publié aux éditions du CERF. 

Emmanuel Hirsch est professeur émérite d'éthique médicale, membre de l'Académie de médecine © Pierre-Hugues DuboisEmmanuel Hirsch est professeur émérite d'éthique médicale, membre de l'Académie de médecine © Pierre-Hugues Dubois

Samedi 17 mai, c'est dans l'hémicycle presque vide de l'Assemblée nationale que le droit à l'aide à mourir a été adopté par 75 voix pour et 41 contre, 461 députés n'étaient pas présents ce jour-là. « Honte à notre démocratie, à partir du moment où notre représentation parlementaire voulait assumer elle-même cette fonction difficile, on savait que c'était délicat, et qu'on est finalement face à effectivement un hémicycle quasiment vide », s'insurge Emmanuel Hirsch, professeur émérite d'éthique médicale, membre de l'Académie de médecine et auteur de « Devoir mourir digne et libre » publié aux éditions du CERF. Selon lui, ce nouveau droit détermine une certaine conception de la personne humaine, de la démocratie, de la dignité et de la fraternité au moment même où l'on est ébranlé par tant de tensions et d'inquiétudes. 

Vers un dévoiement de l'éthique 

Ce projet de loi concernant l'aide active à mourir ouvre la porte à une nouvelle réflexion autour de la fin de vie. Des personnes malades, en situation de fragilité vivant au quotidien avec leurs maladies ne se posaient pas forcément la question de leur fin de vie et s'y retrouvent aujourd'hui confrontés. « Quelle insulte fait à ces personnes, à ces familles, aux personnes en situation de handicap qui ont déjà des difficultés à accéder à des suivis, à des soins, à une vie sociale, quelle tromperie faite aux professionnels », s'exclame Emmanuel Hirsch. Tout cela constitue un véritable dévoiement éthique.

Depuis quelques semaines, on voit que ces conditions sont complètement revues en revue, approximatives dans leur définition. 

Dans son 139 avis, du 13 septembre 2022, le CCNE (Comité consultatif national d'éthique) a expliqué qu'il y avait des règles d'encadrement extrêmement strictes concernant la fin de vie. Ce dernier avait posé des conditions très précises dans lesquelles pourraient se dérouler les processus relatifs à la fin de vie. Or, depuis quelques semaines, « on voit que ces conditions sont complètement revues en revue, approximatives dans leur définition. Quelles sont des estimations, des évaluations », constate le professeur d'éthique médicale. Il s'inquiète de la non-réaction du CCNE et du CNOM (Conseil National de l'Ordre des Médecins) face à ces conditions approximatives.  

Avec le projet de loi actuel, on n'est pas dans une exceptionnalité, on est dans une banalisation et dans une idéologisation 

La légifération de ce projet de loi relatif à l'aide active à mourir ne sera pas encadrable. « Les lignes que l'on fixe, à un moment donné, par nature, sont poreuses et extensives », relate le membre de l'Académie de médecine. Or, toujours selon le CCNE dans le cadre de son 63ème avis relatif à la fin de vie, l'euthanasie devait être une exception. Nonobstant, avec le projet de loi actuel, « on n'est pas dans une exceptionnalité, on est dans une banalisation et dans une idéologisation », s'inquiète Emmanuel Hirsch. Aujourd'hui, les débats à l'Assemblée ouvre la voie à une inquiétude et à une défiance.

« Avec ce projet de loi, on est face à de nombreuses hypocrisies »

Répondre à la souffrance des malades, de leurs proches et des professionnels de santé par le suicide assisté et l'euthanasie est une hypocrisie majeure, selon Emmanuel Hirsch. Il pointe du doigt la création du droit de l'aide active à mourir qui constitue, selon lui, une hypocrisie supplémentaire car le risque est que celle-ci devienne la norme, que « les personnes se mettent à penser que cela est normal de mourir ainsi et que c'est comme cela que l'on meurt bien », insiste le membre de l'Académie de médecine. « Je pense qu'on a d'abord besoin d'aide à vivre, c'est-à-dire du soutien, du signal de la société qui se préoccupe de notre vie », affirme-t-il. L'une des réponses possibles à une meilleure prise en charge de l'aide à la vie passe notamment par le développement des soins palliatifs, puisqu'ils permettent d'accompagner et de mieux prendre en charge la douleur. 

L'Invité de la MatinaleLe projet de loi sur la fin de vie en débat à l'Assemblée

Le nécessaire développement d'un moratoire

Selon Emmanuel Hirsch, il faut développer un moratoire, c'est-à-dire accorder un délai supplémentaire à la réflexion autour de ce projet de loi. « On se dit peut-être qu'il y a besoin d'une loi, mais est-ce qu'on est vraiment prêt ? », s'interroge le membre de l'Académie de médecine. La première chose à faire avant même d'aboutir à ce projet de loi relatif à la fin de vie aurait été un accès par tous aux soins palliatifs. « La réponse la plus importante pour moi, ce sont les sollicitudes sociales, les solidarités qu'on développe, la capacité d'accompagner les personnes dans un parcours de soins », poursuit-il.

La fin de vie a une signification

Le professeur d'éthique médicale rappelle que la fin de vie a une signification. Une personne en fin de vie accomplit son existence. Elle vit une expérience qui a une dimension spirituelle. Or, « toutes ces dimensions ont été éradiquées d'une certaine façon, avec une espèce de rationalisme ou de positivisme  », relate-t-il. Une personne qui vit avec un handicap, qui souffre à une signification, elle a un témoignage à partager dont nous avons quelque chose à apprendre. « Lorsque que quelqu'un nous quitte, il nous transmet une force pour quand ce sera nous, donc on est dans une espèce de filiation qu'il faut protéger et défendre », conclut Emmanuel Hirsch.

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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