Un texte vient d’être adopté en commission à l’Assemblée nationale. Le projet de loi sur l’aide à mourir et le suicide assisté est examiné en séance plénière depuis lundi 12 mai, avec un vote solennel prévu le 29. Que prévoit ce texte, et quels garde-fou contient-il ? Décryptage avec Philippe Juvin, médecin urgentiste et député Les Républicains des Hauts-de-Seine, opposé à ce texte.
Les députés s'apprêtent à voter la loi sur la fin de vie. "En réalité, ce n'est plus une loi de fin de vie, c'est une loi sur l'euthanasie, qui pourra s'appliquer à tous les gens qui ont des maladies graves, incurables, dont le pronostic vital est engagé, mais qui pourraient vivre des années", contredit Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine LR et médecin urgentiste.
Ce dernier prend l'exemple d'une personne atteinte d'une insuffisance rénale chronique, qui peut "si elle le souhaite, demander à mourir". Pour le député Républicain, cette nouvelle avancée autour de la loi concernant l'aide à mourir constitue deux ruptures anthropologiques majeures. "D'une part, c'est la première fois que l'État va autoriser que l'on donne la mort. D'autre part, c'est un choix de société, souligne-t-il. Je crois aux sociétés où l'on tend la main à celui qui est en difficulté, à la société de fraternité".
Le député oppose ensuite l'évolution de ce texte aux difficultés que traverse le système de santé en France. "Ma crainte, compte tenu de l'état de délabrement du système de santé, c'est qu'il y ait des euthanasies par défaut d'accès aux soins palliatifs ou par défaut d'accès à un médecin pour la douleur."
Au cœur du débat, le sujet des soins palliatifs occupe d'ailleurs une place importante. "3 % des gens qui entrent en soins palliatifs expriment un désir de mourir. Ce qui est curieux, c'est qu'en réalité, sept jours plus tard, ils ne sont plus que 0,3 %", chiffre le médecin urgentiste. Les soins palliatifs permettent en effet un meilleur accompagnement de la douleur, de la détresse physique ou psychologique.
Les délais promus par le texte de loi sont de quelques jours pour que la demande d'euthanasie soit validée. Il y aurait ainsi deux délais, d'abord ceux du médecin, puis ceux du patient. Le médecin a 15 jours maximum pour répondre à la demande. Puis se déclencherait un deuxième temps, quand patient demande à mourir. Lui a 48 heures pour répondre.
Dans certains pays, l'euthanasie est déjà légalisée. Comme en Belgique où le délai est d'un mois, en Suisse ou en Autriche où le délai est de trois mois. "En tout cas, on voit bien que cette loi ne prend pas en compte une constante que nous voyons, nous les médecins. Les demandes de mort sont fluctuantes", relate le député Les Républicains des Hauts-de-Seine.
Ce dernier relève également que ce serait aux pharmaciens de préparer les substances létales. "Puis l'aide-soignant qui vous a accompagné durant vos derniers instants va faire la toilette mortuaire, lance Philippe Juvin. Ce sujet n'est pas personnel. Si on légalise l'euthanasie, cela concerne toute la société par la pression sociale que ça va créer."
De nombreux amendements ont été déposés en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Parmi eux, Philippe Juvin avait notamment demandé à ce que, si un médecin avait un doute sur la liberté du patient qui demande à mourir et l'absence de pression extérieure, il puisse solliciter le procureur. Le tout dans le but de vérifier que la liberté du patient ait bien été respectée et que ce dernier n'ait pas été pousser à prendre une décision. Cet amendement a été rejeté.
Le député des Hauts-de-Seine souhaite que l'on puisse davantage développer la psychiatrie pour aider à la prévention du suicide et que l'on développe les consultations de la douleur. "Il faut entre six à neuf mois pour avoir une consultation de la douleur. Cela sera plus rapide en 15 jours d'avoir l'euthanasie." Les soins palliatifs constituent selon lui une alternative à l'aide à mourir. Ils permettent une meilleure prise en charge de la douleur.
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