
Pascale Morinière | La fin de vie à l'Assemblée
En partenariat avec Les Associations Familiales Catholiques (AFC)
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Il y a 20 ans, jour pour jour, la loi Leonetti était votée au Parlement. Celle-ci permet à tous les patients le droit de refuser un traitement médical. Dans le même temps, le débat autour de la fin de vie revient en ce moment à l’Assemblée Nationale. En attendant, certaines personnes de l'Église et du corps médical continuent de donner leurs points de vue sur cette loi.
Il y a un an, la proposition de loi regroupait en un seul texte deux grandes questions : celle du développement des soins palliatifs, et l’autre sur l’aide à mourir, avec la question de l’euthanasie. Début avril, le débat sur ce sujet est revenu sur la table de l’Assemblée Nationale, avec cette fois-ci deux textes de loi distincts. Le premier porte sur un meilleur développement, accès et accompagnement des patients en soins palliatifs et le deuxième sur l’aide à mourir. Ces derniers seront tous les deux votés le 27 mai, à l’Assemblée.
Dans le milieu religieux ou hospitalier, l’opinion sur la loi Leonetti n’a pas sensiblement changé. Le “mal-mourir” en France était déjà connu il y a 20 ans, d’après Sébastien Klam, vicaire général au diocèse de Metz et spécialiste de la bioéthique. “L'Église est claire dans son positionnement, ne pas mettre fin délibérément à la vie de quelqu'un, mais l'accompagner le plus justement possible, tout en mettant tout en œuvre pour qu'il ne souffre pas. C'était la position de l'Église d'il y a 20 ans, c'est encore la position de l'Église aujourd'hui. ”, ajoute-t-il.
Dans le milieu médical, la position des médecins n’a pas non plus tant changé. Selon Rachel Isidore, psychologue hospitalier en soins palliatifs au CHR de Metz-Thionville, il y a 20 ans, le corps médical ne voulait déjà pas faire d’obstination déraisonnable sur les patients. L’obstination déraisonnable c’est pratiquer ou entreprendre des actes ou des traitements par un médecin sur un patient, alors qu'ils sont inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. “Cela n’a pas de sens. Après, il y a toujours des dérives”, ajoute-t-elle.
Pour les médecins qui travaillent en soins palliatifs, la séparation des deux textes semble “logique”. “On confond trop souvent les soins palliatifs avec la fin de vie. Être en soins palliatifs, ça ne veut pas dire être en fin de vie, ça veut dire qu'on a une maladie grave, évolutive ou terminale. Mais dès l’apparition d'une maladie grave comme un cancer, il y a besoin déjà de pallier à certains symptômes pénibles. Et les soins palliatifs ne s'occupent que des symptômes pénibles. Mais on peut avoir une espérance de vie de trois ans”, explique Rachel Isidore.
Sébastien Klam est également favorable à cette séparation des deux textes. Pour lui, c’est “une erreur d'avoir un texte commun. Parce que forcément, dans une même loi, ça pouvait prêter à confusion et ça manquait peut-être un peu de cohérence. Là, on est quand même sur deux textes différents”. Selon le vicaire général, il est urgent de renforcer le développement des soins palliatifs, d'ouvrir des unités spécifiques dans des départements qui aujourd'hui en sont dépourvus. Il faut aussi créer des maisons de répit et de soins palliatifs. Elles accueillent des personnes vulnérables atteintes de pathologies graves (soins palliatifs), évolutives ou chroniques. Le cadre de ces structures est similaire à celui d’un domicile. Ce dernier s’exprime également sur le deuxième projet de loi davantage controversé : celui de l’aide à mourir. "Moi, je suis de ceux qui estiment que, quand on soigne quelqu'un, on ne lui donne pas la mort. Donc, pour moi, l'aide à mourir ne peut pas être considérée comme un soin.”
Lorsque Sébastien Klam rencontre des personnes en fin de vie dans les hôpitaux qui demandent d’avoir recours à l’euthanasie, ce dernier reste dans un premier temps, à l’écoute des patients. “Quand une souffrance est entendue, et peut-être apaisée aussi, la demande d'euthanasie disparaît.” La suite de l’accompagnement spirituel ne s'arrête pas là. Il faut se demander “quels sont les vrais besoins de la personne ? que veut-elle nous révéler d’elle-même? C'est un long cheminement. Mais justement, quand on accompagne quelqu'un, on prend le temps”, affirme ce dernier.
Le vicaire général illustre son propos en prenant l’exemple d’une patiente qu’il a rencontrée. “Hier, je rencontrais une patiente centenaire, fin de vie, qui a priori, de ce qu'on m'avait dit, n'était plus capable de parler. Et voilà que lorsque je m'approche d’elle, je me présente, et je lui dis qu’on va prier. Alors évidemment, on ne la comprenait certes plus, mais elle priait avec nous, ça se voyait clairement. Et elle me prend la main, puis elle m'embrasse la main comme un signe de reconnaissance de ce qui a été fait pour elle durant ce temps”. Pour Sébastien Klam, ces petits signes signifient qu'une personne en fin de vie, même dans un coma, continue encore de percevoir quelque chose. “Et je crois que nous avons à permettre ce temps-là d'aider ces vies qui nous quittent à s'accomplir encore. Ne la terminons pas prématurément cette vie. Il y a quelques grâces qui peuvent encore être vécues dans ces rencontres ultimes”, ajoute-t-il.
Dans l’unité de soins palliatifs du CHR de Metz-Thionville, Rachel Isidore se charge d’accompagner psychologiquement les personnes en fin de vie. Celle-ci fait parfois des consultations en chambre ou à l'extérieur. Elle peut les voir plusieurs fois dans la journée. Rachel Isidore est à leur écoute pour discuter de toutes les questions éthiques. “Lorsqu’il y a une demande d'un patient d'un arrêt de traitement ou d'une demande de sédation. C'est à moi de voir s'il n'y a pas un symptôme dépressif derrière cela”, explique la psychologue. Ensuite, elle voit avec le patient si celui-ci peut travailler sur ce mal-être qu’il soit physique ou mental, avant d’en parler en collégialité avec les autres médecins. Ensemble, ils discutent pour voir si une sédation va être donnée ou pas.
Rachel Isidore est également la présidente de l’association Pierre-Clément Lorraine, qui accompagne les patients en fin de vie auprès des institutions médicales, ainsi que dans les services de soins. Les bénévoles les accompagnent en créant du lien de vie avec les personnes en fin de vie. Trois d’entre eux viennent rendre visite aux patients en soins palliatifs. “Souvent, ils parlent de choses qu’ils n’osent pas dire à leurs proches ou bien, ils racontent aussi leur vie, tout simplement”. “On développe aussi des moments de vie. On fait venir des chanteurs ou des danseurs”, ajoute-t-elle.
Pour Rachel Isidore, ces établissements seraient “une logique de continuité des soins”. Lorsque les patients sont mal accompagnés en soins palliatifs, c’est à ce moment-là que les demandes de recours à l’euthanasie apparaissent. “Parce que c'est dur pour les gens aussi de se dire je ne peux plus rentrer à la maison, ou je vais finir ma vie à l’hôpital”, explique-t-elle. “Au contraire, lorsqu’ils sont pris en charge, cette demande disparaît”, ajoute la psychologue.
Sébastien Klam trouve également que cela est une bonne alternative à l’euthanasie. Il donne l’exemple d’une première structure qui a été créée en 2011, à Besançon. Aucune personne accompagnée n’aurait demandé l’aide à mourir car chaque personne a toujours été “accompagnée, entendue et écoutée”.
Il faudra attendre le 27 mai, une fois que le texte sur un développement, un meilleur accès et accompagnement des personnes en fin de vie qui sont en soins palliatifs, sera voté à l'Assemblée Nationale. Un projet de loi qui devrait être plus facilement débattu et moins controversé que le deuxième, sur l’aide à mourir.
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