Emmanuel Macron s’invite sur nos écrans mardi 13 mai, le temps d'une interview sur TF1. Parmi de nombreux sujets, il souhaite déclarer son soutien au projet de loi sur la fin de vie, débattu depuis lundi 12 mai à l’Assemblée nationale. L'un des deux volets, portant sur l’aide active à mourir et le suicide assisté, soulève de nombreuses interrogations. Le texte prévoit la création d’un délit d’entrave à l’aide active à mourir. Décryptage avec le docteur Véronique Lefèvre-Denouette, médecin gériatre et co-directrice du département de recherche en éthique biomédicale du Collège des Bernardins.
Un an après avoir été interrompu à cause de la dissolution de l’Assemblée nationale, le débat sur la fin de vie fait son retour dans l’hémicycle. Les discussions s’annoncent vives jusqu’au scrutin prévu le mardi 27 mai.
En 2022, on comptait 90 000 hospitalisations pour tentatives de suicide, pour près de 9 200 décès. Le docteur Véronique Lefèvre-Denouette consacre sa vie à accompagner ces personnes. "Je me bats depuis 42 ans. J’exerce ce beau métier de psychiatre en gériatrie pour que les personnes renoncent à ce projet de suicide." Elle déplore l’absence de consultation des psychiatres lors de l’élaboration de ce projet de loi et souligne le manque de prise en compte de la temporalité dans la prise en charge des personnes suicidaires ou dépressives. "La temporalité est effrayante : 15 jours pour accéder à un médecin, puis 48 heures. Je n’ai pas le temps de mettre en œuvre un traitement antidépresseur."
Je me bats depuis 42 ans. J’exerce ce beau métier de psychiatre en gériatrie pour que les personnes renoncent à ce projet de suicide
Les premiers effets d’un antidépresseur apparaissent généralement au bout d’un mois. L’absence d’obligation de consulter un psychiatre, combinée à la rapidité des délais de traitement des demandes, nuit gravement à l’accompagnement des patients, souligne-t-elle. "Je les sauve, mes patients. Cela fait 42 ans que je le vois." Elle rappelle que la loi Claeys-Leonetti permet déjà d’accompagner dignement les personnes en fin de vie, une nouvelle législation n’est selon elle dès lors pas nécessaire.
Selon le projet de loi, les personnes éligibles ne seront pas nécessairement en fin de vie, mais dans une phase avancée de la maladie. "Les critères ne sont absolument pas restrictifs. Au contraire, tous les verrous ont sauté." Le docteur Lefèvre-Denouette exprime son inquiétude pour les personnes âgées et fragiles, qui risqueraient de ne plus être protégées, et d’être incitées à recourir à cette loi.
Les critères ne sont absolument pas restrictifs. Au contraire, tous les verrous ont sauté
De nombreux professionnels de santé rapportent un discours récurrent chez les personnes âgées : elles disent se sentir comme un poids pour leur famille. "Ça fait partie des thèmes dépressifs : on perd l’estime de soi", observe-t-elle. Elle plaide pour un accompagnement renforcé des personnes âgées et de leurs proches, notamment par le développement des aides à domicile.
Le texte actuellement débattu à l’Assemblée ne prévoit pas la nécessité d’un avis médical collégial pour accéder à l’aide active à mourir. "Pour abréger une agonie inutile, nous appliquons la sédation profonde et continue, mais toujours avec collégialité. Dans ce texte-là, il n’y a même plus de collégialité."
La psychiatre s’inquiète à la fois pour le bien-être des patients et pour la responsabilité qui pèsera sur les médecins : "Nous agissons sous la responsabilité du Conseil de l’ordre. C’est du pénal". Elle appelle à intégrer l’avis d’un gériatre, d’un psychiatre et d’une personne de confiance ou d’un membre de la famille. "Il ne s’agit pas d’acharnement thérapeutique, mais de décrypter la demande formulée par le patient", conclut Véronique Lefèvre-Denouette.
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