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Projet de loi sur la fin de vie : qu'en disent les hospitaliers ?

Projet de loi sur la fin de vie : qu'en disent les hospitaliers ?

Un article rédigé par Caroline Kowalski - le 16 mai 2025 - Modifié le 16 mai 2025
Le grand invitéLoi sur la fin de vie, le témoignage d'un directeur d’hôpital

Après le retour du projet de loi sur la fin de vie à l’Assemblée nationale, le vote solennel est annoncé le 27 mai. On a voulu savoir ce qui se dit, ce qui se passe à l’hôpital.

« Sur les dix dernières années on a compté environ 300 patients qui ont fait une demande d’euthanasie. » ©Unsplah« Sur les dix dernières années on a compté environ 300 patients qui ont fait une demande d’euthanasie. » ©Unsplah

Si la fin de vie est une spécialité généralement associée aux services de Soins Palliatifs, c’est une question qui traverse presque tous les services hospitaliers. De l’hématologie à la gériatrie en passant par l’oncologie, les professionnels de la santé sont régulièrement confrontés à des souffrances qui conduisent des patients à demander la mort.

Un directeur d’hôpital se confie :

Sur les dix dernières années on a compté environ 300 patients qui ont fait une demande d’euthanasie. Après la prise en charge de la douleur, ces demandes disparaissent. Une de nos patientes est même allée en Belgique avec une demande d’euthanasie. Elle est revenue en disant que l’accompagnement des équipes de l’hôpital lui convenait mieux que ce qu’elle avait pu rencontrer en Belgique, et elle a renoncé à cette demande.

« Cette demande de mort est d’abord un appel au secours »

Autant de souffrances, autant de cris de détresse qui peuvent évoluer au gré de l’accompagnement proposé. Face à la douleur, la dégradation du corps et le passage ultime, soignants comme direction tiennent à rester humbles. Accompagner la souffrance physique ou psychique, c’est aussi bien souvent accueillir une solitude conjuguée à des troubles moins clairement exprimés.

Nous constatons que cette demande de mort est d’abord un appel au secours, un besoin de moins souffrir. Ecouté, soulagé, entouré par les soignants et les bénévoles… le patient peut traverser la maladie et se préparer à l’angoissante perspective de la mort – soyons honnête – d’une façon plus sereine.

Développer les services de soins palliatifs pour répondre aux demandes, et par conséquent aux besoins des patients qui souffrent : un enjeu majeur pour ceux qui œuvrent à leur chevet, encouragés par les nombreuses lettres de familles qui expriment leur gratitude.

Entretien avec un évêqueLéon XIV, ordinations diaconales, fin de vie, Riaumont... mgr Leborgne (Arras)

« Le texte permettrait à plus d’un million de Français de demander l'euthanasie »

À l’heure actuelle l’hôpital peut soulager de nombreuses douleurs. Travailler en soins palliatifs c’est donner plus de vie à la fin de vie, donner des soins techniques mais offrir aussi une proximité, une présence fraternelle et une atmosphère sereine dans ce moment si important. 

Une prise en charge particulièrement précieuse pour les personnes en situation précaire ou porteuses de maladies psychiatriques. Seules, elles sont souvent soumises à des pressions économiques ou sociales pour demander l’euthanasie. Peut-on faire confiance au projet de loi en débat à l’assemblée pour prémunir tous les patients contre d’éventuels abus ?
 

Dans sa version actuelle, la proposition de loi permettrait à plus d’un million de Français “affectés par une maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé” (NDLR) comme une sclérose en plaque, un alzheimer, un parkinson, une cirrhose… de demander l’euthanasie. Un élargissement jamais atteint dans les autres pays européens qui l’autorisent déjà. 

« Beaucoup craignent de subir des pressions d’autres professionnels pour réaliser ce droit »

Le débat en cours dans l’hémicycle depuis le 12 mai porte en germe les traits d'une « rupture anthropologique » qui inquiète légitimement les soignants.

« La proposition prévoit une clause de conscience individuelle pour les soignants mais pas pour les pharmaciens, qui seraient obligés de délivrer la substance létale. Derrière cette clause se pose la question du fonctionnement en équipe. Le médecin n’est pas une île. A l’hôpital les choix se font en collégialité. Beaucoup craignent de subir des pressions d’autres professionnels pour réaliser ce droit. »

Et à l’heure où la prévention du suicide est présentée comme une priorité sanitaire, les professionnels de la santé questionnent la facilitation de l’euthanasie et du suicide assisté qui se profile…

« Si autrefois la mort faisait partie de la vie, aujourd’hui elle est ghettoïsée, cachée en hôpital ou en EHPAD. Tout comme la maladie, la souffrance et la vieillesse, la mort fait peur. Quelle que soit l’époque pourtant, le rôle des hospitaliers c’est d’accompagner, de soulager les souffrances physiques et psychologiques. Nous avons interrogé les 1500 soignants de notre hôpital, et même parmi ceux qui sont favorables à l’euthanasie, pratiquement aucun ne se verrait administrer une substance létale à un patient. Mais si demain, un soignant rencontre un patient en demande d’euthanasie qui correspond aux critères prévus par ce projet de loi, il pourrait difficilement lui proposer des alternatives (soulager sa douleur et l’accompagner en soins palliatifs) sans que cela constitue un délit d’entrave, c’est-à-dire 15000 euros d’amende et un an d’emprisonnement… »

« La mort digne, c’est être accompagné avec humanité »

Par-delà les convictions philosophiques ou religieuses, l’invitation est claire : aller sur le terrain, dépasser les caricatures sur la fin de vie, aller à la rencontre des soignants qui aident quotidiennement des patients à franchir cette étape difficile de la maladie jusqu’à la mort. Et comprendre que « la mort digne, c’est être accompagné avec humanité par des soignants présents à leurs côtés, jusqu’au bout. »

Le grand invité - RCF Hauts de France
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le grand invité
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