Mardi 27 mai à 15h, les députés se prononceront sur deux lois relatives à la fin de vie. Celle concernant l’aide à mourir continue de susciter débats et réactions, notamment de la part des évêques, qui dénoncent des « crimes contre la dignité », des « crimes contre la fraternité », des « crimes contre la vie » et des « ruptures anthropologiques ». Pour en débattre : Jean-Louis Schlegel, philosophe et sociologue des religions ; Jean-Marie Le Mené, président de la fondation Jérôme Lejeune ; et Pierre Jovanovic, journaliste à l’hebdomadaire La Vie.
Le 19 mai, dans un communiqué, la Conférence des évêques de France (CEF) a renouvelé son inquiétude face à la proposition de loi sur l’aide à mourir. Elle dénonce en particulier « un débat dont les termes sont biaisés ».
Jean-Louis Schlegel soutient une proposition de loi sur la fin de vie qui, selon lui, s’inscrit dans la continuité de l’évolution de la société. Il critique l’attitude de l’Église, souvent à contre-courant sur les grandes questions sociétales. « Je me retrouve depuis 60 ans face à cette situation : un refus de l’Église, systématiquement désavoué ensuite par la société. Autant de combats perdus », déplore-t-il. Il appelle à écouter les débats, à prendre en compte les arguments, et à faire preuve de compassion envers ceux qui soutiennent les positions de l’ADMD (Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité). Le philosophe évoque les difficultés rencontrées par de nombreuses personnes en fin de vie, qu’il a pu observer, et demande que les évêques leur adressent quelques mots de reconnaissance et de compassion.
Je me retrouve depuis 60 ans face à cette situation : un refus de l’Église, systématiquement désavoué ensuite par la société. Autant de combats perdus
Pour Jean-Marie Le Mené, président de la fondation Jérôme Lejeune, la rupture anthropologique ne date pas d’hier. Il affirme que les défenseurs de la loi sur l’aide à mourir reprennent les arguments utilisés pour justifier l’IVG. « Ils répètent qu’il faut faire une grande loi fraternelle, comme celle portée par Simone Veil sur l’avortement. C’est même mentionné dans l’exposé des motifs de la proposition de loi Falorni », affirme-t-il. Selon lui, cette loi reflète un changement profond de direction dans la société. Pierre Jovanovic nuance cette comparaison car « l’avortement clandestin mettait la vie des femmes en danger. C’était un problème de santé publique qu’il fallait résoudre. » Aujourd’hui, pour le journaliste de La Vie, la véritable urgence de santé publique réside dans l’accès insuffisant aux soins palliatifs et dans les déserts médicaux. « C’est l’échec de la politique de soins palliatifs qui a conduit à l’élaboration de cette loi sur l’aide à mourir », conclut-il.
Jean-Marie Le Mené soulève une autre inquiétude : la possible dimension économique du texte. « C’est une instrumentalisation de la mort pour gérer la misère. On fait peur aux gens en leur disant qu’ils vont mourir dans d’atroces souffrances, et qu’on leur refuse la liberté de mettre fin à leur vie. » Selon lui, cette loi répond à un système de santé en crise, incapable de prendre en charge les personnes en détresse physique ou psychologique.
Ce droit, consacré depuis 1999, n’est toujours pas appliqué en France. Pour moi, cette loi est un aveu d’échec, un renoncement.
Pierre Jovanovic rappelle qu’entre 48 % et 50 % des patients nécessitant des soins palliatifs n’y ont pas accès. « Ce droit, consacré depuis 1999, n’est toujours pas appliqué en France. Pour moi, cette loi est un aveu d’échec, un renoncement. » Il souligne que de nombreux soignants s’opposent à la loi, non par refus de soulager, mais parce qu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour prendre en charge leurs patients dans la dignité.
La médecine a considérablement progressé ces dernières décennies, augmentant l’espérance de vie et la qualité de vie. Pourtant, Jean-Louis Schlegel souligne un décalage. « Ces progrès n’ont pas été accompagnés par des avancées équivalentes dans l’accompagnement de la fin de vie. Une loi me semble importante pour encadrer ces dérives. Mieux vaut une loi que l’absence de loi. » À l’inverse, Pierre Jovanovic refuse l’idée d’une légalisation de l’aide à mourir. Il plaide plutôt pour un meilleur encadrement de l’acharnement thérapeutique et de ce qu’il appelle « la toute-puissance médicale » L’euthanasie, selon le journaliste, va renforcer cette toute-puissance médicale. C’est en partie pour cela que je qu'il s'y oppose.
Ces progrès n’ont pas été accompagnés par des avancées équivalentes dans l’accompagnement de la fin de vie. Une loi me semble importante pour encadrer ces dérives. Mieux vaut une loi que l’absence de loi.
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