L'euthanasie, une affaire d’argent ?
Mardi 27 mai, à l'Assemblée nationale, sera voté le projet de loi relatif à la fin de vie et aux soins palliatifs. Dans les médias, un déni de l'aspect économique s'observe, tandis que l'émotion suscitée par la peur de souffrir constitue un levier d'obtention de l'adhésion de l'opinion et des députés. Il n'existe pas d'étude, à proprement parler, faisant état des économies réalisées par l'État grâce aux politiques euthanasiques, économies potentiellement bien plus importantes que les frais de santé de la dernière année de vie. Cette étude a été réalisée par Laurent Aventin, économiste de la santé et s'intitule : "Les aspects économiques de l'aide à mourir entre conflits d'intérêts et risques d'utilitarisme de la vie humaine."
Fin de vie et économie © Alliance VitaDepuis lundi 12 mai, les débats autour de loi sur la fin de vie ont repris à l’Assemblée nationale. Olivier Falorni du groupe Modem et Annie Vidal du groupe Renaissance portent ce nouveau projet de loi, qui sera voté mardi 27 mai par l’ensemble des députés de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Le texte sur l'euthanasie représentera s'il aboutit à la grande réforme de société à laquelle le nom d'Emmanuel Macron restera associé. Dans son ensemble, dans les discussions publiques et médiatiques, la question de l’euthanasie et du suicide assisté est souvent abordée sous l’angle moral, philosophique ou juridique. Nonobstant, l’aspect économique de la fin de vie semble être le grand oublié de ce projet de loi. Pourtant, l’étude réalisée par Laurent Aventin souligne bien les répercussions économiques et sociales significatives de ce projet de loi.
L'aspect économique de la fin de vie : un sujet tabou
Le faible nombre d’études réalisées autour de la corrélation entre la fin de vie et l’économie montre bien la difficulté de ce sujet. Pour pallier ce manque d’études, Laurent Aventin, économiste de la santé et auteur de l’étude "Les aspects économiques de l'aide à mourir entre conflits d'intérêts et risques d'utilitarisme de la vie humaine" pour le think-tank Institut Éthique et Politique explique qu’il y aurait dû avoir une étude d’impact réalisée en amont avant la proposition de loi, sur les questions économiques. Cet aspect n’a pas été traité par la commission en charge de ce projet de loi. "On peut donc s’interroger et se demander pourquoi ce sujet a été écarté par rapport à une loi qui a un impact sociétal si important ? ", souligne l’économiste de la santé.
Quand on est pauvre, la fin de vie peut être plus pénible que quand on est riche. Et cela peut jouer sur une décision d’euthanasie. J’ai donc proposé qu’un assistant social soit systématiquement présent dans le processus afin d’aider le demandeur. pic.twitter.com/yKuwJXmx0k
— 🇫🇷 🇪🇺 Pr Philippe Juvin MD PhD (@philippejuvin) May 22, 2025
Les aspects économiques de la fin de vie sont pourtant centraux, puisqu'ils concernent chacun, aussi bien l’État et les personnes éligibles à ce projet de loi. Ils permettent de montrer les incidences liées à cette loi et sur sa mise en œuvre. Le docteur Pascale Favre et Yves-Marie Doublet, qui ont publié une étude pour Fondapol concernant l’économie de la fin de vie, elle serait de l’ordre de 1,4 milliard. L’État français est actuellement dans une situation économique difficile, ce qui l’oblige à faire de nombreuses économies budgétaires dans l’ensemble du domaine public. "En incitant les plus vulnérables à se tourner vers l'euthanasie et le suicide assisté, on peut se poser la question de savoir si derrière, il n'y a pas également un objectif, qui est finalement de faire des économies budgétaires", relate Laurent Aventin. Depuis les années 1980, et en particulier depuis le travail de l’économiste Jacques Attali sur l’euthanasie : "il était dit que la personne en fin de vie coûte plus cher les trois ou les six derniers mois de sa vie que tout le reste de sa vie dans le domaine de la santé ". Néanmoins, "cela est une idée totalement fausse, ce n’est pas le cas, aucune étude économique ne démontre cela", explique l’économiste de la santé.
En incitant les plus vulnérables à se tourner vers l'euthanasie et le suicide assisté, on peut se poser la question de savoir si derrière, il n'y a pas également un objectif, qui est finalement de faire des économies budgétaires.
Toujours selon Laurent Aventin, les personnes atteintes de maladies chroniques ou de maladies longue durée coûtent au système de santé beaucoup plus cher que les personnes en fin de vie. C’est ce que l’on appelle le principe de mutualisation. Toutes les personnes en difficulté, qu’elles soient financières, professionnelles, médicales ou familiales pourront être incitées à se présenter comme candidats à cette loi fin de vie. "On peut imaginer qu’une personne jeune qui a 30, 40 ans, si elle accède à ce système-là, on observe très facilement, si on calcule l’espérance de vie autour de 75-80 ans, quel niveau d’économies sont réalisées si cette personne disparaît prématurément", souligne l’auteur de l’enquête.
Les inégalités économiques de ce projet de loi
Dans les pays qui ont déjà légalisé l’euthanasie et le suicide assisté comme en Belgique, en Suisse, au Canada, aux Pays-Bas, on observe que le taux de personnes décidant de mourir par euthanasie ou suicide assisté, dépasse largement le cadre des personnes qui ont uniquement des problèmes de santé ou dont le pronostic vital est engagé. "Il faut savoir qu'au Canada, par exemple, on a certains États où la première cause de mortalité, c'est aujourd'hui le suicide assisté et l'euthanasie", rappelle Laurent Aventin. Le Canada a publié des études sur la corrélation entre l’économie et la fin de vie et notamment sur les économies qui sont susceptibles d’être réalisées. "On a quelques éléments, mais ces études sont tout à fait incomplètes parce que les critères qui ont été mis en place ne permettent pas de montrer la catégorie de population qui demande à mourir ", explique l’économiste. Certains témoignages, en revanche, "montrent que les choix qui sont faits par les personnes voulant mourir sont des personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé ", poursuit-il.
Dans son rapport sur la corrélation entre la fin de vie et l’économie, l’IGAS avait communiqué les dépenses de l’assurance maladie sur la fin de vie, qui s'élèvent à 6,6 milliards d’euros par an. Selon Laurent Aventin, il faut souligner ce conflit d’intérêt. "Ce qui permettrait de montrer le conflit d'intérêt, c'est de pouvoir faire une évaluation précisément économique de la mise en œuvre de cette loi ", explique-t-il. Or, "pour l'instant, jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de volonté politique dans ce sens", poursuit-il. L’économiste est convaincu que cette évaluation économique de la mise en œuvre de cette loi permettrait de mettre en évidence l’intérêt économique lié à cette dernière. "Il y aura un conflit d'intérêt, parce que le législateur ne peut pas mettre, ne devrait pas pouvoir mettre en place une loi sur une motivation qui n'est pas celle annoncée", conclut Laurent Aventin.
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