Marie-Pierre de BAILLIENCOURT, directrice générale de l’Institut Montaigne, docteur en géopolitique, chargée de l'enseignement "Les entreprises de souveraineté" à Sciences Po
Où en sera la France en 2040 ? La date peut paraître lointaine, vu la défiance que suscite le monde politique et l’impéritie qui caractérise l’action publique. Le 16 juillet, l’Institut Montaigne, fondée par Claude Bébéar (1935-2025), publiait une étude de quelque 500 pages intitulée « France 2040 : Projections pour l’action politique » (juillet 2025), premier volet d’un triptyque qui va se déployer jusqu’à l’élection présidentielle. 13 tendances structurantes ont été identifiées au fil de 18 mois de travail, le tout étayé par plus de 800 sources. Les deux autres volets consisteront à produire des notes préparatoires pour 2027 et à chiffrer les propositions des candidats. « France 2040 » commence par la démographie sur laquelle repose notre modèle social. Le rapport prévoit qu’à cet horizon les personnes de 65 ans ou plus représenteront entre 27 % de la population, et que le ratio « actifs/inactifs » pourrait s’approcher de 50 %. Le système actuel n’est pas tenable. Le message de cette étude, portée par Marie-Pierre de Bailliencourt, est qu’il n’y a pas de solution toute faite. L’offre politique actuelle n’est pas satisfaisante. Quant à l’ingouvernabilité du pays, elle prend une dimension tout à fait préoccupante et d’autant plus scandaleuse que les patrons ne sont pas entendus par l’exécutif. Seul le narratif de la taxe Zucman s’impose dans l’espace médiatique, alors que des économistes de renom pointent son caractère destructeur. La croissance, le train de vie repose sur les entreprises que l’État maltraite ou ignore. En fin d’étude, l’Institut Montaigne esquisse 5 scénarios : le renoncement (prolongement de l’inaction sans aucun virage politique ou économique, ce qui conduit à l’enlisement du pays), le repli (posture de protectionnisme limitant les coopérations extérieures), la retouche (réformes modestes, sans changement systémique), la rupture (réformes de fond ambitieuses mais risque de coûts sociaux et de tensions), et la révocation (remise à plat ou rupture sévère : communautarisme, décroissance, voire démilitarisation). Ce que montre cette étude, plus largement, c’est que « gouverner, c’est prévoir ». Tout simplement.