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« Il suffirait de peu », ou la complainte d’un Premier ministre en échec

« Il suffirait de peu », ou la complainte d’un Premier ministre en échec

RCF, le 9 octobre 2025 - Modifié le 9 octobre 2025
Point de vue« Il suffirait de peu », ou la complainte d’un Premier ministre en échec

Démissionnaire avant d’avoir vraiment gouverné, le Premier ministre Sébastien Lecornu a dressé un constat lucide, mais un peu mélancolique, d’une crise politique aux faux airs de rupture consommée.

Aymeric Christensen © DRAymeric Christensen © DR

« Il suffirait de presque rien, pourtant personne, tu le sais bien, ne repasse pas sa jeunesse. Ne sois pas stupide et comprends : si j’avais comme toi 20 ans, je te couvrirais de promesses. »

Je sais ce que vous allez me dire : ce n’est pas la voix de Sébastien Lecornu, c’est celle de Serge Reggiani. Mais je vous pose la question : quelle différence profonde entre cette chanson de 1968 et le discours tenu lundi matin sur les marches de Matignon ? Je le cite : « Il suffirait de peu pour que ça fonctionne. Il suffirait de peu pour l’on puisse y arriver. En étant plus désintéressés, pour
beaucoup, en sachant aussi faire preuve d’humilité. Peut-être un peu parfois d’effacement de certains ego. »

L'échec de la rupture

Le constat d’échec d’un Premier ministre qui avait promis « la rupture » ressemblait beaucoup à la complainte lucide et mélancolique d’une chanson de rupture. Et surtout : vu comme
ça, l’entendre répéter qu’« il suffirait de peu » a quelque chose de plus cruel, de plus froid et fataliste. « Il suffirait », oui, mais voilà, ce « presque rien », la chanson de Reggiani le montrait bien, il est trop souvent insurmontable. En musique, c’est un homme d’âge mûr qui se rend à l’évidence : il ne peut pas entretenir une relation avec une jeune femme. En politique, ce sont les postures des partis, la polarisation des électeurs, les ambitions présidentielles qui empêchent les nécessaires compromis dont le pays a besoin.
Il est vrai que la démocratie, qu’on aimerait élever dans le champ des idées et du bien commun, tient souvent à des passions bien humaines. Pour le meilleur (parfois) et pour le pire (trop souvent). Mais ne pas en tenir compte, c’est se condamner collectivement à la répétition des échecs. Les promesses fanées, les déceptions, les
trahisons. Tout ce qui contribue au désamour d’un couple vaut pour un peuple et ses représentants. 

Un manque d'écoute

En politique comme en amour, il ne suffit pas de changer de personnes ou de cadre, s’il n’y a pas de remise en cause de chacun, d’écoute, de capacité à faire un pas vers l’autre. Bref : « il suffirait de presque rien ». Peut-on espérer, comme Sébastien Lecornu le suggérait encore hier soir, que le sens des responsabilités l’emporte et que des compromis soient trouvés ? Évidemment, car c’est la seule issue possible. Mais tout cela dépend aussi beaucoup de la volonté d’un homme, Emmanuel Macron. La situation actuelle est aussi sa responsabilité, et il ne faut pas s’étonner qu’à se maintenir à tout prix au centre du jeu il se retrouve au centre des regards. Le
Président détient toutes les cartes institutionnelles, mais il se trouve aussi à court d’options politiques. À trop vouloir garder la main, il n’aide pas à la tendre, et n’a fait jusqu’ici qu’aggraver la
situation. Alors, espérons que tout le monde reviendra à davantage de sens des responsabilités, et qu’on pourra ainsi éviter de basculer dans une autre chanson de Serge Reggiani : « Les loups sont entrés
dans Paris ». 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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