Fin de vie : "On ne crée pas une loi à partir d’une exception", affirme le Dr Bernard-Marie Dupont
La projet de loi sur "l'aide à mourir" arrive au Sénat. La commission des affaires sociales du Palais du Luxembourg a auditionné les acteurs des soins palliatifs le mardi 8 juillet. Les sages ont également réuni des philosophes. Parmi eux, le Dr Bernard-Marie Dupont, philosophe et médecin en soins palliatifs. Au micro de Pierre-Hugues Dubois, il déplore l'absence de réflexion sur notre rapport collectif à la mort.
Le projet de loi sur la fin de vie doit être examiné par le Sénat à l’automne 2025. La commission des Affaires sociales a déjà entamé ses travaux. Crédits : Xose Bouzas / Hans LucasAdopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 27 mai, le projet de loi sur la fin de vie arrive en discussion au Sénat. Il comporte deux volets : un premier sur le renforcement des soins palliatifs, un second sur la légalisation de l’aide active à mourir
Plusieurs experts auditionnés par la commission des Affaires sociales
Objet d'une convention citoyenne début 2023, et de deux examens à l'Assemblée Nationale, un nouveau débat sur la fin de vie peut paraitre inutile. "Le débat n'a pas eu lieu", répond le Dr Bernard-Marie Dupont. Ce médecin et philosophe fait partie des spécialistes entendus par les sénateurs. Il alerte sur les conséquences éthiques et sociales de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. "Je pense qu'il est très difficile de baser philosophiquement, de construire une société qui accepte vraiment dans sa philosophie l'idée que le don de la mort, même par compassion, est possible", détaille-t-il.
Pour une grande partie des philosophes, la légalisation de l’aide active à mourir représenterait une rupture éthique majeure. Si la loi Clayes-Leonetti, de 2016 visait à accompagner la mort, cette fois, il s'agit de la provoquer. "Il faut distinguer la sédation en situation terminale (celle de la loi Clayes-Leonetti), et la sédation à visée terminale", souligne-t-il. Dans le second cas, "il y a la dimension d'un acte volontaire, actif, un acte juridique".
Un choix de société
Pour autant, les sondages sont unanimes : une part majeure des Français veulent choisir l'heure de leur mort. "Sur de nombreuses années de pratiques soignantes dans des structures de soins palliatifs, je n'ai rencontré que deux situations pour lesquelles je peux dire que le patient savait vraiment ce qu'il demandait", témoigne le Dr Bernard-Marie Dupont. Le médecin appelle à la prudence : « Ce n’est pas l’exception qui fait la règle. On ne légifère pas sur la base de deux cas particuliers ».
Légaliser sur la mort, c'est donc poser un choix de société. « Quelle société voulons-nous construire demain ? Est-ce que c'est une société d'individus singuliers, des atomes, qui n'ont plus aucun rapport entre eux ? Ou est-ce que c'est une société qui intègre aussi la nécessité de tenir compte de nos aînés ? », interroge-t-il. Certains soignants de soins palliatifs affirment que les demandes d’euthanasie masquent parfois un besoin de relation. "C'est la question de la fraternité qui se pose", témoigne le Dr Bernard-Marie Dupont.
Les débats autour de la fin de vie continuent maintenant au Sénat. Majoritairement à droite, la chambre haute apparait très rétive à adopter le second volet de ce projet de loi, qui concerne l'aide active à mourir. Réponse à l'automne 2025.


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