Emmanuel Macron s'est exprimé pendant plus de trois heures mardi 13 mai sur TF1. Il a évoqué des pistes de référendums, mais seulement en cas de blocage de projets de lois au Parlement, en particulier sur la fin de vie. Alors, est-ce le bon moment pour lancer des référendums ? Analyse avec Frédéric Micheau, directeur général adjoint d’OpinionWay, enseignant à Sciences Po et auteur notamment de Le gouffre démocratique : les gouvernants et l’opinion en 2024.
Depuis que le quinquennat a été mis en place, les trois derniers présidents de la République n'ont pas utilisé le référendum. Aujourd’hui, il faudrait autour de 70 à 80 jours pour exécuter cet outil démocratique. La première étape consiste à trouver un sujet à fort enjeu qui entre dans le cadre constitutionnel du référendum et non pas un sujet de nature réglementaire. Enfin, le sujet doit être tranché par le peuple.
Contre toute attente, mardi 13 mai au soir, Emmanuel Macron n’a pas annoncé de manière ferme un ou des référendums. Pour le président, le référendum sera utilisé uniquement en dernier recours en cas de blocage des discussions au Parlement. "Je pense que c'est évidemment lié à sa position politique. Il veut laisser le Parlement jouer son rôle", assure Frédéric Micheau. Le chef de l'État reste pour le moment en surplomb du parlement.
Je pense que c'est évidemment lié à sa position politique. Il veut laisser le Parlement jouer son rôle
Plusieurs sujets peuvent faire l'objet de référendums tels que les finances publiques, la question de la fin de vie ou la question de l'organisation territoriale. "Si un référendum ou une consultation à choix multiple doit avoir lieu, ce sera au second semestre 2025", affirme le directeur général adjoint d’OpinionWay. En effet, à partir de l'année prochaine, la campagne pour les élections municipales va s’ouvrir et sera suivie de la pré-campagne présidentielle. Deux chantiers ont toutefois été annoncés : une conférence sur le financement du modèle social et une négociation sur la qualité du travail.
La fin de vie constitue un des sujets possibles pour un référendum. Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé qu'en cas de blocage au Parlement du projet de loi sur l'aide active à mourir, il pourrait recourir à l'opinion. "Quand on demande aux Français sur quels sujets ils voudraient s'exprimer, la question de la fin de vie arrive souvent en tête", révèle Frédéric Micheau.
Elle a du mal à être saisie à travers deux ou trois questions dans un sondage d'opinion adressé à quelques personnes
D’après les sondages d'opinion, la réponse des Français sur la fin de vie dépendra vraiment du texte qui serait soumis aux Français. "Les sondages cherchent à caractériser des grandes opinions, souvent dans des positions un peu binaires". Or cette question se révèle être très complexe en mêlant différentes dimensions éthiques, morales, philosophiques et religieuses. "Elle a du mal à être saisie à travers deux ou trois questions dans un sondage d'opinion adressé à quelques personnes. Mais c'est évidemment utile de faire un référendum", analyse Frédéric Micheau.
Les Français sont de plus en plus sollicités par les études d'opinion et pour autant Emmanuel Macron et François Bayrou n'ont jamais atteint des niveaux si faibles dans les sondages. Le gouffre démocratique, c’est que "d’un côté des dirigeants politiques sont extrêmement bien informés de l'opinion publique et puis de l'autre côté l’opinion publique se sent délaissée, incomprise et même abandonnée", analyse le directeur général adjoint d’OpinionWay.
Un homme d'État véritable doit notamment savoir mépriser l'opinion publique et se placer au niveau de l'intérêt général
Différents éléments peuvent selon lui expliquer ce paradoxe : "Un homme d'État véritable doit notamment savoir mépriser l'opinion publique et se placer au niveau de l'intérêt général". Il s’avère ainsi nécessaire de distinguer l'homme d'État véritable du politicien. "L'homme d'État véritable doit avoir une vision lointaine qui fait passer l'intérêt général avant les attentes immédiates de l'opinion publique". Le rôle des responsables politiques est d'abord d'écouter et ensuite de traduire ces attentes en politiques concrètes.
Chaque matin, Pierre-Hugues Dubois reçoit une personnalité au cœur de l’actualité nationale ou internationale. Décryptage singulier de notre monde et de ses enjeux, mais aussi découverte d’un parcours, d’un engagement. Au cœur de la grande session d’information du matin, une rencontre quotidienne pour prendre de la hauteur avec bienveillance et pour donner du sens à l’information.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
France
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !