Le Carême a débuté avec le mercredi des Cendres. Cette année 2025 est une Année sainte. Qu'est-ce que ça change de vivre le Carême durant le jubilé de l'espérance ? Et si l'année jubilaire aidait les chrétiens à approfondir le sens du Carême ?
Comme tous les ans, les catholiques sont invités à vivre le temps liturgique du Carême. On parle beaucoup d'efforts à faire, de privation, comme par exemple le jeûne. Au risque parfois de croire qu'un certain nombre d’interdits servent à réguler la vie des fidèles durant ces quarante jours. Et si le jubilé 2025 nous aidait à approfondir le sens du Carême ? Cette année en effet, il se déroule en pleine Année sainte. Le jubilé de l’espérance a débuté le 24 décembre 2024 et se terminera le 6 janvier 2026. Quels liens peut-on faire entre Carême et jubilé ?
La tradition du jubilé, qui a lieu tous les 25 ans dans l’Église catholique, s’inspire du Premier Testament. Le terme "jubilé" vient de l’hébreu yobel qui signifie "bélier". Dans la tradition juive, souffler dans la corne de bélier, ou chofar, est un rite important qui inaugure une période spécifique. Le Livre du Lévitique (chapitre 25) demande d’entendre le son de "la trompe" ou "le cor" lors d’une année jubilaire.
Au temps des Hébreux, le jubilé correspond à une année de jachère mais aussi de réorganisation de la société, où l’on rétablit la justice sociale. "Il faut sans cesse répéter, mettre en garde l’humanité contre son désir d’appropriation", explique le Père Olivier Artus, ancien membre de la Commission biblique pontificale. Et si la finalité était de renouveler le rapport au temps ?
"Le temps est supérieur à l’espace", comme l’écrit le pape François dans Evangelii Gaudium (par. 222). Signifiant par-là que "l’espace nous donne le sentiment du pouvoir et qu’il faut nous remettre dans la patience, dans la croissance, dans le temps", interprète Patrick Laudet. Le très beau livre d’Abraham Heschel, "Les bâtisseurs du temps" (1957), montre bien combien "cette structuration du temps" est très présente dans la culture juive. Sans doute un héritage que les chrétiens ont à redécouvrir.
"Je pense que nous avons besoin assez régulièrement de nous remettre dans le mystère du temps, nous dit Patrick Laudet, diacre permanent du diocèse de Lyon. Un jubilé, comme un Carême, comme le shabbat ou comme le dimanche, c’est une façon de vivre humainement le temps peut-être divinement le temps… Ça humanise."
Pèlerinage, passage de Porte sainte, réconciliation, prière, liturgie, profession de foi et indulgence : ce sont les sept signes du jubilé. Et autant d’invitations pour dynamiser sa vie de foi. Par le pèlerinage, le fidèle sort de son confort et de ses habitudes. "La vie chrétienne, c’est moins se mettre en règle que se mettre en route", nous dit Patrick Laudet. Il s’agit d’apprend à placer sa confiance en Dieu, comme l’on fait les Hébreux durant l’exode et Jésus pendant quarante jours au désert.
Le sens du Carême est directement lié à ce passage de l’Évangile où Jésus fait l’expérience du dépouillement, de l’intériorité, des tentations… Les théologiens du désert ont développé toute une sagesse bien particulière. Elle invite à contempler les fruits d’une pauvreté intérieure plus grande et d’une connexion plus intime avec Dieu.
Les rites et célébrations permettent de faire l’expérience du lien avec les autres. Le pardon et l’indulgence vont dans le sens de cette réorganisation de l’ordre social. De même que les actes de charité, l’un des trois piliers du Carême, renouvellent le rapport à autrui. De même, "le jubilé n’est pas passif", précise Patrick Laudet.
La plupart des démarches jubilaires se vivent ensemble. Tout au long de l’Année sainte, des pèlerinages sont proposés à Rome pour les communautés diocésaines, les jeunes, les grands-parents, les diacres, les professionnels... On pourrait se dire qu’à l’inverse, le Carême prend une dimension plus personnelle. On insiste, par exemple, sur la prière et la pratique du jeûne.
"Dans un monde où la relation à la nourriture est souvent déséquilibrée, observe le diacre, il s’agit de se remettre devant une sobriété heureuse. Un jeûne heureux qui consiste à redécouvrir la joie des choses les plus simples en petites quantités." De même, on ne peut éluder le sens du verbe "jubiler", qui signifie se réjouir.
Le jubilé place l’année 2025 sous le signe de l’espérance. "Faire de l’espérance un objet de Carême, c’est magnifique !" Pour Patrick Laudet, "l’espérance est très connectée au mystère de la croix". Et si, durant le Carême, on espère la joie de la résurrection de Jésus, "au fond, il faut passer par l’expérience de la croix pour arriver au matin de Pâques". La croix comme un porche : "La plus haute forme de l’espérance est le désespoir surmonté", écrivait Georges Bernanos.
Halte Spirituelle est une émission de radio animée par Madeleine Vatel et Véronique Alzieu et diffusée quotidiennement sur RCF. Des entretiens où l'on puise dans l'expérience chrétienne pour engager une réflexion spirituelle aussi profonde qu'accessible. L'émission de référence de RCF !
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