La traversée de Jésus au désert est pour les chrétiens devenu le Carême. Un temps où, comme dans le désert, la pauvreté conduit à l'essentiel. Pour faire de ce temps une expérience qui rapproche de Dieu, l’émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand et Madeleine Vatel, a invité les spécialistes de cette spiritualité du désert. Comment s’inspirer de ceux qui ont vécu cette expérience loin de tout ? Retrouvez cette sagesse bien particulière, expliquée par Marie-Anne Vannier, théologienne et auteure de Prier 15 jours avec les Pères du désert, aux éditions nouvelles cité, Sœur Marie Ricard, bénédictine au monastère Notre-Dame de Compassion à Martigny-et-Briand dans le Maine-et-Loire, et Nicolas Jullien, goumier.
Vivre au désert, ce n’est pas vivre décharné. Le désert draine toute une imagerie. L’Histoire raconte que quand les amis d’Antoine le Grand (250-356) considéré comme le plus célèbre des « Pères du désert », sont venus le voir, ils n’ont pas du tout trouvé ce qu’ils pensaient voir. Alors qu’ils s’attendaient à retrouver un moine décharné, qui a lutté pendant plusieurs années, ils trouvent quelqu'un de très équilibré, un homme qui s’étaient retiré pour parler à Dieu et qui ressemblait maintenant à un autre Christ. Comme Antoine, les pères du désert, dans leur quête radicale du Christ, attiraient, mais contre leur gré, ce n’était pas leur désir. Il y avait plusieurs manières de vivre la vie monastique au désert. Il y a les ermites stricts et solitaires, stricts, voire les reclus, et des colonies de moines et de moniales. Cela va un peu contre l’imagerie populaire qui retient un désert de sable, et des hommes enfermés dans les grottes.
Si on se rend dans le désert en 4x4 avec des sonos et tout le confort moderne, si l’on ne s’y rend pas dépouillés du confort, de nos certitudes, le désert n’aura pas beaucoup de sens. Ce qui permet de vivre le désert est cette aspiration à une pauvreté réelle, physique, et une pauvreté intérieure Il est alors possible de découvrir la contemplation, le silence, l’écoute des personnes qu'on rencontre, la charité. Il s’agit de se remettre dans les mains de dieu et puis de s'en remettre à soi-même. Cela crée une relation de dépendance avec Dieu.
Dans leur quotidien, les pères du désert ont eu à affronter les intempéries, les bêtes, la chaleur, etc. Mais à partir du moment où ils cultivaient le lieu du cœur, ils commençaient une autre manière d’être présents à eux-mêmes, à Dieu, et percevaient les difficultés autrement. La prière du cœur, cette petite philosophie du lien continu, s’installe : se souvenir de Dieu devient comme respirer.
Les apophtègmes qui sont des récits, des paroles de ces pères du désert, insistent sur le silence. C’est ce qu’on appelle la garde des lèves. On ne parle pas, pour ne rien dire, on ne parle pas à tort et à travers. L’une de ces paroles dit : « Si ceux qui viennent ne sont pas édifiés par mon silence, ils ne le seront pas par mes paroles ».
L’humilité n’est pas le mépris de soi-même, ou l’effacement. « Il faut que Lui grandisse et que je diminue » disait Jean-Baptiste (Jean 3,30). L’humilité permet de recevoir toute cette vie comme elle est, avec ses aspérités : en effet, la vie moderne facilite beaucoup de chose que le désert nous réapprend. Marcher, c’est redécouvrir qu'un kilomètre, ça peut être long, ça peut être pénible. Le travail spirituel consiste à découvrir qui est le Christ pour mieux comprendre qui l’on est et à se décentrer de soi-même dans le même temps. La vie communautaire permet de pratiquer la patience, la générosité et ramène à des réalités bien concrètes.
Le désert dans la vie quotidienne, cela peut être les épreuves, ou une difficulté à croire en l’existence de Dieu. Comment apprécier ce lieu privilégié du cœur à cœur avec Dieu ? « Les habitants du désert possèdent déjà la vie qu'ils recherchent » disait Eucher de Lyon. La paternité spirituelle consiste pour les moines du désert à oser demander : « Abba, Père, dis-moi une parole afin que je sois trouvé », pour grandir, dans la liberté. Le désert dans la vie quotidienne : ce peut-être les épreuves, ou une manière de se retirer en soi-même et qu'il y ait ce désert
Saisis par la foi, les pères du désert approfondissent à travers le combat spirituel, leur rencontre avec le Christ. Et ils se trouvent eux-mêmes. La beauté du désert, cette étendue infinie et magnifique, ce lieu de la liberté permet aux pères du désert de se trouver.
Etre à l’écoute, pour discerner l'action de Dieu dans sa vie. Les pères du désert ont une prière continuelle. Ils méditent à longueur de temps, il y a une sorte de manducation de l'Ecriture : ils « mangent » la parole, ils en vivent, ils sont une parole vivante. Ce sont surtout des hommes et des femmes d'expérience. Le désert c’est ce lieu du cœur où le Christ nous parle, et c'est celui de la rencontre, celui de la liberté. Le lâcher prise, pour laisser émerger la petite étincelle de l’âme, et ce lieu de dialogue de l'homme avec Dieu et ce lieu de rencontre du Christ. Et là, c'est quelque chose de très important.
Les pères du désert sont arrivés à un point où ils sont aptes à discerner ce qui est valable, ce qui fait grandir, ce qui éloigne de Dieu. Le discernement, c'est vraiment la boussole de la vie spirituelle. Que se passe-t-il en moi ? Quelles sont mes réactions ? Et là, on ne peut pas le faire seul. Et donc on retrouve un pilier indispensable, c’est le Père spirituel : il aidera la personne à bien se situer par rapport à ce qu'elle ressent.
L’ascèse n'est pas une affaire de record et les pertes sont... terribles, sur les petits novices qui veulent toujours en rajouter. La mesure, c'est ce qui convient à chacun. Qu’est-ce qui m’est demandé à moi personnellement ? Si ce n’est pas ce qui m’est demandé, je perds mon temps. L’idée est de retrouver une véritable simplicité. Pour la partager : c'est aujourd'hui qu'il y a des hommes et des femmes assoiffées du Christ et qui ne savent pas comment le rejoindre.
La prière, c'est découvrir de plus en plus profondément que le Christ, que Dieu est en nous. Il y a par exemple, la prière de Jésus. Cette prière s'appelle monologie, ça veut dire une seule parole. « Jésus, fils de Dieu, sauveur et pitié de moi, pécheur ». Au fur et à mesure que la prière s'approfondit, ça peut ne plus être qu'un seul nom, celui du nom de Jésus, qui veut dire Jésus sauve. C'est une prière de plus en plus simple, et c'est une rencontre.
C’est le sens de la vertu, cultiver une somme de bonnes habitudes pour les pratiquer de plus en plus. Ces temps forts permettent de mettre en place quelques jalons dans sa vie quotidienne pour se détacher davantage des choses qui brident la liberté. L’immense étendue du désert donne de la place à autre chose : le retour au quotidien appelle à cette mise en présence continuelle de Dieu qui est là au cœur de notre vie.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !