LE POINT DE VUE DE CORINNE BITAUD - Hier les différents responsables religieux réunis à Nice, en marge du rassemblement onusien pour les mers et les océans, ont béni les océans. Un geste hautement symbolique sur lequel revient Corinne Bitaud.
Limiter la surpêche, la pollution plastique, contrer les tentatives d’exploitation des grands fonds, développer les aires marines protégées, financer la recherche… tels étaient les enjeux du 3eme sommet de l'ONU sur les océans. Mais en marge du congrès également, un angle plus spirituel.
Hier, les responsables de culte juifs, chrétiens bouddhistes et musulmans ont béni l’océan. J’aime ce symbole de dire du bien sur la mer, parce qu’il rappelle que selon la tradition biblique Dieu, le premier, bénit toute sa création. J’aime aussi les paroles qui ont été prononcées, parce qu’elles ont unanimement souligné que les humains devraient cesser de se comporter en propriétaires de la planète et de tout ce qu’elle contient. C’était aussi le sens de la tribune publiée hier dans La Croix à l’initiative du collectif Lutte et Contemplation, et signée par différents responsables chrétiens, dont Christian Krieger, le président de la Fédération Protestante de France : la destruction de l’océan doit cesser.
La Bible envisage souvent la mer comme symboliquement mal, mais l’océan est aussi un espace magnifique et inspirant, décrit par le psalmiste comme « l’habit » de la terre et comme le lieu de vie du Léviathan avec lequel Dieu joue (Ps 104). Dans le livre de Job, Dieu dit qu’il l’a vêtu de brumes et langé de nuées sombres, comme on vêt et on lange un petit enfant. Et pour en souligner l’immensité, dans la fierté de son regard de Père créateur, il demande à Job : « Es-tu parvenu jusqu'aux sources de la mer, as-tu circulé au fin fond de l'abîme ? » (Jb 38,9;16). Oui les océans, comme la terre, appartiennent d’abord à Dieu ; ils sont ses créatures, et donc nos frères de Création. Les regarder comme tels devrait nous conduire à changer de regard sur ce que nous nous autorisons à en faire.
Tout à fait, et pour les chrétiens, les poissons sont notamment liés au récit de la multiplication des pains dans l’Evangile de Jean. Les exégètes soulignent que ce récit tient lieu pour Jean d’institution de l’Eucharistie. Or si les récits de la Cène chez Matthieu, Marc et Luc ne parlent que de pain et de vin, chez Jean, Jésus partage entre ses disciples 5 pains d’orge… et 2 petits poissons. Je trouve qu’on accorde trop peu d’importance à ces 2 petits poissons. Après sa résurrection, lorsqu’il apparaît à ses disciples au bord de la Mer de Tibériade, Jésus prépare à déjeuner pour Pierre, Thomas, Nathanaël, Jacques et Jean, et deux autres disciples dont on ne sait pas le nom. Peut-être vous et moi, Pierre-Hugues. Et que leur donne-t-il ? Je lis au verset 13 du chapitre 21 : « il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson. » Nos traditions liturgiques ont perdu en route ces poissons, mais les retrouver pourrait nous aider, peut-être, à mieux éprouver la nécessité de protéger ces habitants silencieux de notre planète bleue.
Souvenons-nous enfin que le poisson, ichtus en grec, était le signe de ralliement des premiers chrétiens. En effet, chacune de ses lettres correspond au début des mots de l’expression « Jésus-Christ, fils de Dieu, sauveur ». Alors oui, bénis soient les poissons, signes de notre Sauveur, et bénis soient les océans, leur maison.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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