Corinne Bitaud | Plastique dans les sols : l’alerte de l’INRAE et du CNRS

Du plastique dans nos aliments

Cette expertise propose une synthèse interdisciplinaire de plusieurs milliers de travaux scientifiques sur ce sujet, dans la perspective d’éclairer la décision publique. La question des plastiques agricoles et alimentaires est importante. Aujourd’hui la pollution de l’environnement par des plastiques de toutes tailles, des macro aux nanoparticules, est généralisée : non seulement les océans, mais aussi les sols et jusqu’à l’air que nous respirons. 

Les organismes vivants, y compris les humains, sont eux-aussi contaminés par des constituants des plastiques, notamment via l’alimentation. Et si on connaît encore insuffisamment les effets de toutes ces molécules sur la santé, les données déjà disponibles sur certaines d’entre elles, les phtalates et le bisphénol A, sont sans appel : elles peuvent induire asthme, cancers, ainsi que diverses maladies cardiovasculaires, métaboliques et neurologiques.

Des composés non recyclables

Les plastiques sont théoriquement recyclables, mais en réalité la plupart d’entre eux ne le sont pas. Ils ne sont en général pas non plus biodégradables, et ceux qui le revendiquent ne le sont qu’en conditions de compostage industriel, et en tous cas pas dans le tas de compost du fond du jardin. Et c’est encore pire avec les matériaux plastiques composites, de plus en plus fréquents.

Sur la question des progrès techniques et réglementaires pour réduire ces pollutions, l’expertise est extrêmement réservée. L’ensemble des études scientifiques conclut plutôt à la nécessité de réduire drastiquement la production de plastiques, et donc de questionner non plus tant les produits que leurs usages.

Réduire sa consommation de plastique

Il faut  envisager de se passer des plastiques, mais c’est loin d’être simple. Les plastiques sont des sous-produits de l’industrie pétrolière, poussés sur le marché dans les années 1950 par un marketing qui les positionnait intentionnellement sur le segment du « jetable », alors symbole de modernité. L’expertise INRAE-Cnrs souligne l’existence de ce que l’on appelle un verrouillage socio-technique : nous avons désappris à nous passer de ces produits. Nous devons donc repenser un pan entier de notre mode de vie : choix des denrées alimentaires, circuits de commercialisation, modes de conservation… 

Ce n’est pas de l’innovation incrémentale qui va nous permettre de faire cela, mais un changement radical. Il va nous falloir beaucoup d’imagination pour réinventer un monde sans plastiques dans les filières agricoles et agro-alimentaires. Mais cela ne veut pas dire revenir au Moyen-âge ! Les bouteilles en PET ne datent que du début des années 1970. Nos parents ont vécu heureux sans ces matériaux dont nous croyons ne plus pouvoir nous passer. Nous pouvons ré-imaginer un monde sans plastique, mais cela ne va pas être facile. Comprendre pourquoi cela est nécessaire nous y aidera, et cette expertise y contribue largement. J’en recommande donc chaudement la lecture !