Aymeric Christensen | Quelques souvenirs du conclave de 2013

L’élection du futur pape a commencé. Et il se trouve qu’il y a 12 ans, j'étais à Rome au moment de l’élection du pape François. 

L'attente d'un nouveau pape

En 2013, j’étais envoyé spécial pour La Vie, avec mon regretté confrère et ami Jean Mercier. Le souvenir que j’en garde, c’est celui d’une ambiance un peu curieuse, une fois les cardinaux enfermés dans la chapelle Sixtine. Place Saint-Pierre, à guetter cette petite cheminée sur la droite de la basilique, quatre fois par jours (et parfois pour rien). Beaucoup d’attente, pas grand-chose qui se passe ; on finit par repartir, pour revenir une heure plus tard… 

Et puis soudain, le 13 mars, mercredi soir, une fébrilité s’empare de la place, qui fait oublier la pluie de cette fin de journée. Fumée noire ? Fumée grise ? Gris foncé, gris clair ? Une voix s’écrie : « È bianca ! » ; et en effet, pas de doute : elle est blanche. C’est comme une décharge électrique sur la place. La foule jubile. L’Église catholique a un nouveau pape.

L'émotion qui saisie la foule

Comme journaliste, on ressent des choses très différentes qui s’entremêlent ! Tout s’accélère : les cloches sonnent à toute volée, des gens arrivent de partout. On entend parler plein de langues différentes, en quelques minutes la foule est compacte devant la loggia où le pape élu est attendu. On attend encore… Le protodiacre va venir prononcer l’Habemus Papam, puis annoncer un nom.

Je vais vous faire un aveu : il y a 12 ans, mon collègue et moi avons tellement été saisis à l’annonce du nom de Bergoglio… que nous n’avons même pas entendu comment il avait choisi de s’appeler. Il a fallu demander à nos voisins, et je revois le visage surexcité de cet Italien criant : « Francesco ! Francesco ! » Un nom qui parlait directement au cœur de ce peuple…

Une surprise à l'annonce du nom ? 

La suite, on la connaît. Les premiers mots, les premiers gestes de François… Et nous allons revivre quelque chose de similaire dans les heures ou jours qui viennent. Je ne vais pas re-raconter ce que tout le monde a en mémoire. Et puis, il a fallu très vite nous remettre au travail, pour éclairer la personnalité de ce pape tout neuf. C’est comme ça que nous nous sommes précipités ensuite à la curie jésuite, à deux pas de la place Saint-Pierre… pour nous en faire virer manu militari quand les braves pères ont compris que nous étions journalistes ! Puis cette fin de soirée dans un séminaire, avec des étudiants argentins que nous avions réveillés, les pauvres…

Et cette fois encore, on pourrait avoir une surprise à l’annonce du nom, parce que le vote à la majorité des deux tiers rend l’issue très imprévisible. Donc ceux qui croient savoir, soit ils se leurrent, soit ils vous mentent.

Surtout, il n’y a pas que le caractère « politique », humain, d’une telle élection, mais aussi sa dimension spirituelle, même liturgique. Difficile de savoir ce que les cardinaux ont dans la tête ; plus difficile encore de comprendre ce qu’ils ont dans le cœur une fois dans la Sixtine. Un ancien électeur confiait un jour qu’au moment d’aller mettre leur bulletin dans l’urne, ils étaient face au Jugement dernier de Michel-Ange. Et qu’au niveau de leur regard, ce qu’ils voyaient, c’était d’abord… les damnés et les démons. Ce qui donne tout de même matière à penser au moment du vote !