
A partir de demain, les cardinaux vont se réunir à huis-clos dans la chapelle Sixtine afin d'élire le nouveau pape.
Détour romain par la chapelle Sixtine où vont se réunir dès mercredi 7 mai l'ensemble des cardinaux. Au risque de surprendre, je vais commencer par en dire du mal en m’appuyant sur un extrait d’un merveilleux roman, Tempo di Roma d’Alexis Curvers. Je cite : « Pauvre Michel-Ange ! À quel indigne et surhumain travail on l'avait astreint ! On avait trop compté sur son génie, c'était évident, en le chargeant de suppléer par la seule peinture à l'architecture dont manque totalement la Sixtine. »
De fait, elle ne brille pas par son architecture, cette chapelle construite à la fin du XVe siècle sur ordre du pape Sixte IV. Extérieurement, elle ressemble à un bastion médiéval, le sommet des murs étant occupé par un chemin de ronde. À l’intérieur, on est frappé par l’étrangeté des proportions de ce parallélépipède rectangle. Il est très haut, une vingtaine de mètres, plutôt étroit, 13 mètres, tandis que la longueur atteint quarante mètres. En forçant le trait, cela donne l’impression d’un corridor très haut de plafond.
Comme le dit Alexis Curvers, c’est à cause de la splendeur des peintures dont elle est ornée. Pas seulement celles de Michel-Ange. Avant que celui-ci n’intervienne, les parois latérales ont été confiées à d’immenses peintres de la Renaissance : Le Pérugin, Botticelli, Pinturicchio ou encore Ghirlandaio. Deux cycles de peintures se font face. D’un côté, des épisodes de la vie de Moïse, de l’autre, des moments de la vie du Christ.
Avant de parler de Michel-Ange, il y a une autre chose magnifique à signaler, le pavement, qui date lui aussi du XVe siècle. Il est de type cosmatèque. C’est-à-dire une marqueterie de pièces de marbre, souvent récupérées dans les ruines antiques et qui forment un réseau de boucles et de cercles.
Le pape Jules II, successeur de Sixte IV, n’aimait pas le plafond de la chapelle, de couleur bleue et orné d’étoiles. Il a donc fait appel à l’un des plus grands artistes de ce temps-là. Il y avait là une certaine prise de risque car Michel-Ange était avant tout un sculpteur et n’avait quasiment jamais peint. Il a travaillé presque seul pendant quatre ans, perché sur des échafaudages pour réaliser une œuvre inouïe, vaste de plus de 500 m2, récit épique de la création du monde, du péché originel et de la rédemption. Avec, à mi-chemin de la voûte, cette image que chacun connaît, le doigt de Dieu frôlant celui d’Adam, lui donnant ainsi naissance.
Vingt ans plus tard, une autre commande a été passée à Michel-Ange afin de couvrir le mur du fond, derrière l’autel d’une fresque du jugement dernier. Nouveau travail gigantesque de plus de 200 m2, centré sur la figure plutôt sévère d’un Christ au bras levé. Il faut savoir que l’œuvre a fait scandale lors de son dévoilement car de nombreux personnages sur la fresque étaient représentés dans le plus simple appareil. Après la mort du peintre, un de ses élèves, Daniel de Volterra, fut chargé de voiler ces nudités. Ce qui lui vaut de rester dans l’histoire sous le surnom de Braghettone, ce que l’on pourrait traduire par « culottier ».
Pour conclure, je reviens à Alexis Curvers. Il nuance finalement son jugement négatif en imaginant la chapelle pendant un conclave. Et conclut : « Peut-être alors seulement la Sixtine prend-elle sa vraie figure et toute sa sombre et souterraine beauté. »
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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