Agriculture : le monde à l'envers, par Antoine-Marie Izoard
LA CHRONIQUE D'ANTOINE-MARIE IZOARD - Souvenez-vous… le mouvement de contestation avait démarré discrètement. Dans nos campagnes, depuis plusieurs mois, les panneaux communaux étaient retournés les uns après les autres.
Symboliquement, les jeunes agriculteurs entendaient dénoncer une politique agricole qui « marche sur la tête » avec l’empilement des contraintes administratives, réglementaires et environnementales. Il aura fallu que les syndicats fassent monter d’un cran la mobilisation en bloquant d’importants axes routiers pour qu’ils soient entendus par le gouvernement. Le nouveau Premier ministre a mouillé la chemise pour tenter d’apporter des réponses à cette colère qui monte de la terre et qu’il convient de prendre au sérieux.
Comment arrêter ce mouvement ?
On a vu Gabriel Attal, en costume cravate, tenir une conférence de presse au sein d’une exploitation bovine, avec des bottes de foin en guise de pupitre ! Une première salve de mesures n’a pas calmé les manifestants. Les tracteurs se sont mis à rouler vers la capitale pour mettre la pression et nous voilà suspendus à de nouvelles annonces du premier ministre, ainsi qu’à la réunion aujourd’hui du Conseil de l’Europe.
Le conflit traîne et les blocus se poursuivent autour de Paris et certaines grandes villes. Pour convaincre les agriculteurs de quitter les routes bitumées, il faudra résolument remettre le monde à l’endroit. Car, en agriculture, comme dans de trop nombreux domaines, on marche sur la tête. « J’aime les paysans, écrivait Montesquieu, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ». Bien qu’avec une pointe de morgue, il louait le bon sens paysan.
Celui-là même qui les pousse aujourd’hui à une révolte que les évêques aussi soutiennent. Comment se fait-il, en effet, que ceux qui travaillent la terre pour la faire fructifier ne puissent vivre dignement de leur labeur ? Est-il possible que ceux qui nourrissent nos enfants ne puissent pas nourrir les leurs ? Et qu’ils ne parviennent pas à transmettre, un jour, leur exploitation avec leur précieux savoir-faire ?
Qui est responsable de cette situation ?
À cause du pouvoir d’achat qui tangue, et parfois d’une véritable déconnexion d’avec la terre, nous acceptons d’acheter des aliments produits hors de France : poulets du Chili ou d’Ukraine, tomates du Maroc, cerises de Turquie, pommes de Pologne, etc. 20 % de la viande et un tiers des fruits et légumes que nous consommons sont importés et produits sans les normes que Paris et Bruxelles imposent à nos agriculteurs. Bien souvent, nous achetons fruits et légumes hors saison, pourtant conscients qu’ils ont parcouru des milliers de kilomètres avant d’atterrir dans nos assiettes, ou qu’ils ont poussé sur notre sol sous des serres chauffées.
Mais les consommateurs sont loin d’être les premiers responsables. En surveillant notamment la grande distribution, l’État doit défendre résolument nos agriculteurs les mêmes qui étaient élevés au rang de héros durant la pandémie de Covid-19 et dénoncer les normes folles de l’Europe, comme une partie des accords de libre-échange qui entravent notre souveraineté alimentaire. Puissions-nous, avec nos responsables politiques, respecter enfin les fruits de notre terre et du travail des hommes.
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