Depuis quelques années, l’école en plein air suscite un intérêt croissant auprès des enseignants, des parents et des chercheurs. Cette approche éducative propose d’organiser une partie des apprentissages à l’extérieur, dans des espaces naturels ou en plein air. En lien avec les préoccupations actuelles autour du bien-être des élèves et des méthodes d’enseignement actives, elle offre une manière différente de vivre l’école. Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand.
Et si la sonnerie de l’école sonnait pour une aventure en forêt plutôt qu’une journée entre quatre murs ? Depuis quelques années, une petite révolution silencieuse s’opère dans le monde de l’éducation : l’école en plein air. Véritable renouveau pédagogique qui pousse au bien-être des élèves et d’un retour à la nature, c'est une approche qui séduit de plus en plus d’enseignants, de parents et même de chercheurs. Sortir des murs de la classe pour apprendre dans les bois, les parcs ou les jardins n’a rien d’anecdotique : c’est une réponse concrète aux enjeux éducatifs contemporains. Loin d’être une mode passagère, l’école en plein air propose une autre manière plus libre, plus vivante de faire classe.
Loin d’être une rupture, l’école en plein air s’inscrit dans une logique de complémentarité avec l’école classique. “On se rend compte qu’il faut s'intéresser au besoin et au rythme des enfants, leur montrer que le lien avec la nature est fort”, explique Sylvain Wagnon, professeur en sciences de l'éducation à l'Université de Montpellier, auteur de Réussir la végétalisation des cours d'école et L'école dans et avec la nature, la révolution pédagogique du XXIe siècle. Cela permet de changer les apprentissages, ce n’est plus seulement un apprentissage intellectuel mais aussi un apprentissage corporel et émotionnel. “Expérimenter dans la nature est un moment fort de la vie”, souligne-t-il. L’idée n’est pas seulement de sortir pour changer d’air, mais bien de transposer l’enseignement à l’extérieur. “La liberté pédagogique de l’enseignant ne s’arrête pas à la salle de classe. Des activités comme le quart d’heure de lecture peuvent tout à fait se faire dehors”, explique Benjamin Gentils , directeur La Fabrique des Communs Pédagogiques. Mais l’approche va plus loin, la nature devient un véritable support d’apprentissage. “On va, par exemple, compter les fenêtres de la cour pour faire des mathématiques, ou étudier l’arbre sous lequel on lisait quelques instants plus tôt”, ajoute-t-il.
La liberté pédagogique de l’enseignant ne s’arrête pas à la salle de classe.
Inspirée des pédagogies actives, elle propose une approche plus globale du développement de l’enfant. Les écoles privées hors contrat ont eu une forme d'oligopole sur les pratiques en plein air. Aujourd’hui il y a une remotivation de la part de beaucoup d'enseignants du service public. “Nous avons besoin de moyens pour former les enseignants, trouver des espaces et adapter l'extérieur” affirme Benjamin Gentils. Ces écoles ont des pédagogies alternatives mais ce sont des aiguillons très forts pour l'école publique, elles permettent de repenser une partie du système. “L'école est très genrée, très inégalitaire, l’école en extérieur doit être pensée pour l’ensemble des enfants avec des valeurs qui permettent de lutter contre les inégalités sociales” soutient Sylvain Wagnon.
L'école est très genrée, très inégalitaire.
C’est un mouvement qui prend de l’ampleur en France, notamment depuis la crise du Covid. Dans plusieurs pays européens, le lien entre éducation et nature est depuis longtemps une évidence. “Dans les pays nordiques, la tradition des forest schools permet aux enfants de passer une grande partie de leur temps dehors, ces pratiques ont fait leurs preuves” explique Benjamin Gentils. En France, le mouvement a mis plus de temps à émerger. De nombreux enseignants se mobilisent pour intégrer la nature dans leurs pratiques, avec une spécificité : la France est le seul pays qui mise sur le secondaire. Ce choix n’est pas anodin, à l’heure où la santé mentale des adolescents inquiète de plus en plus. Depuis la pandémie de Covid, la consommation d’anxiolytiques, les pensées et gestes suicidaires sont en forte hausse chez les jeunes. Or, de nombreuses recherches ont démontré les bienfaits du contact avec la nature sur leur bien-être psychique. À Montpellier, certains établissements vont même jusqu’à organiser les bacs blancs de français en plein air.
La prise de conscience écologique passe avant tout par l’éducation. Lorsqu’on comprend l’environnement qui nous entoure, on est davantage en mesure de le respecter. Connaître son milieu, c’est aussi pouvoir se le réapproprier. D’un point de vue éducatif, cela permet non seulement de mieux comprendre la nature, mais aussi de reconnaître et d’accepter ses différences. Beaucoup d’enfants ont peur de la biodiversité simplement parce qu’ils n’y ont pas été exposés dès leur plus jeune âge. On craint souvent ce que l’on ne connaît pas. "En maternelle, par exemple, on propose une activité autour des gendarmes, on les observe, on les dessine, on apprend à les reconnaître. Il arrive parfois qu’un élève en écrase un, c’est alors l’occasion de se demander pourquoi il a agi ainsi, d’en discuter ensemble", explique Benjamin Gentils.
Le frein, c’est notre vision de l’éducation qui est d’abord livresque.
Malgré une prise de conscience grandissante, plusieurs obstacles freinent encore la mise en œuvre concrète d’une éducation écologique. "Le frein, c’est notre vision de l’éducation qui est d’abord livresque", observe Sylvain Wagnon. "Il faut repenser une éducation qui soit corporelle et émotionnelle, aller dehors, marcher pieds nus sur les feuilles, c’est ressentir des émotions, des sensations", ajoute-t-il. La pédagogie en extérieur implique ainsi un véritable changement de posture pour les enseignants. Cette évolution de l’école doit aussi être soutenue par les familles, "Les parents ont un rôle éducatif. Il faut qu’ils prolongent ce que fait l’école pour qu’il y ait une cohérence forte, afin que les enfants comprennent que c’est un choix de société, pas seulement une initiative scolaire", insiste Sylvain Wagnon. "Il ne s’agit pas de mettre toutes les écoles dehors, mais de penser la complémentarité" rappelle Benjamin Gentils, L’école ne doit être ni uniquement en intérieur, ni exclusivement en extérieur, mais adopter une forme hybride. Cependant, l’accès à la formation reste inégal. “Il existe des formations partout, mais leur mise en œuvre dépend encore trop de la volonté individuelle des enseignants", souligne-t-il. Une politique publique ambitieuse devient donc nécessaire pour généraliser ces pratiques à l’ensemble du système éducatif, y compris dans les disciplines considérées comme prioritaires, telles que les mathématiques ou la lecture.
Il ne s’agit pas de mettre toutes les écoles dehors, mais de penser la complémentarité.
Les villes prennent progressivement conscience de la nécessité de redéfinir la place de l’enfant dans l’espace urbain. Il revient alors aux collectivités locales de s’adapter. “À Rennes, les vêtements des employés des espaces verts sont réutilisés pour fabriquer des vêtements résistants destinés aux enfants”, souligne Benjamin Gentils. Mais l’enjeu dépasse les infrastructures, il concerne aussi le temps périscolaire. “Il est essentiel de former les animateurs à ces questions, car dans les centres aérés, les enfants restent souvent à l’intérieur”, insiste-t-il. Un autre levier important concerne l’aménagement de l’espace public. Lorsqu’une nouvelle école est construite, le choix du lieu est crucial. L'idéal serait de privilégier un emplacement proche de la nature. De même, les rénovations scolaires ne devraient pas se faire rapidement sur l’été, mais intégrer les principes d’éducation en plein air et impliquer activement les enfants dans le processus.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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