Psychiatre, psychologue, psychothérapeute, où trouver de l'aide pour sa santé mentale ? par Sandrine Broutin
En partenariat avec Fondation Falret
Les études sont nombreuses et toutes font le même constat : la santé mentale des jeunes se dégrade. Et les jeunes filles sont plus concernées que les garçons. Comment expliquer ce phénomène ? Pourquoi tant de jeunes en France ont-ils une si faible estime d'eux-mêmes et un tel manque de confiance en l'avenir ?
Toutes les études le montrent : la santé mentale des adolescents se dégrade. Selon Santé publique France, environ un lycéen sur dix a déclaré avoir fait une tentative de suicide au cours de sa vie. Dans un rapport sur la pédopsychiatrie publié en mars 2023, la Cour des comptes rappelait que : "1,6 million d’enfants et adolescents souffrent de troubles psychiques en France". Des troubles qui, pour moitié, apparaissent avant l’âge de quatorze ans. En avril 2023, un collectif de soignants et de spécialiste a voulu alerté sur le manque de moyens, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde.
Les études se multiplient et dressent toutes le même constat général. On peut également relever que les jeunes filles souffrent plus que les garçons. "La difficulté de vivre est beaucoup plus importante chez les filles que chez les garçons, note le Dr Marie-Rose Moro, pédopsychiatre, cheffe de service de la Maison de Solenn - Maison des adolescents, de l’hôpital Cochin à Paris.
À noter également, "l’augmentation des conduites à risque extrêmement importante", que constate Stéphanie Avalle, psychologue clinicienne et cheffe de service à L'Œuvre Falret. De même que "la prostitution pratiquée de manière assez décomplexée" ainsi que "la consommation de stupéfiants assez importante et toutes sortes d’addictions".
Si "la santé mentale des adolescents s’est dégradée, en France comme à l'international", selon la directrice générale de Santé publique France, la France est particulièrement concernée. "Nous, les Français, nous sommes un des pays globalement où les jeunes sont les plus malheureux à l’école et dans la vie", précise le Dr Moro.
Ce qui est "tragique", estime le Dr Moro, est que ces jeunes ont perdu ce qu’elle appelle "l’élan vital". Ils ne déploient pas leurs capacités à créer, à s’opposer… "Ça veut dire qu’un quart d’une génération perd l’élan vital et se dit : Que je continue, que je ne continue pas, je ne tiens pas suffisamment à la vie, à mes attachements, à mes valeurs… Ça veut dire qu’ils ont perdu quelque chose d’essentiel." Et la conséquence est "une sorte de développement a minima de leur personnalité et de leurs envies".
Chez ces jeunes qui "n’ont pas envie de devenir adultes" et pour qui "le monde ne fait pas envie", on note "une estime de soi très négative". Cela se traduit par "des actes contre eux-mêmes" : tentatives de suicide, automutilation, comportements à risque, addictions... "Il y en a qui restent dans leur chambre pendant des mois et des mois, avec ou sans les réseaux sociaux." Pour Marie-Rose Moro "c’est un scandale absolu d’imaginer que ces adolescents perdent l’envie de vivre !"
Nous sommes, après le Japon et la Corée du Sud, le pays où il y a le plus de phobie scolaire
Difficile de comprendre les raisons d’un tel phénomène. Pour Marie-Rose Moro ce n'est pas la pandémie de Covid car cela a commencé avant. Ce ne sont pas non plus uniquement les réseaux sociaux, selon la pédopsychiatre. Ce phénomène interroge la société tout entière. Par exemple pourquoi il y a-t-il une si nette différence entre les filles et les garçons ? "Pourquoi est-ce si difficile maintenant alors que prétendument les libertés sont plus grandes, qu’il est possible d’habiter le monde autrement, d’avoir un autre style de vie ? se demande le jésuite Bruno Saintôt, directeur du département d’Éthique biomédicale des Facultés Loyola Paris.
Et si la dégradation de la santé mentale des adolescents était liée à une certaine négativité chez les adultes ? "Le manque de perspective rejaillit sur des adolescents en pleine construction", estime Bruno Saintôt. Il relève aussi "le facteur de l’éco anxiété" et "le manque d’un monde qui va être habitable et donc désirable". Cependant, on constate aussi qu'une grande partie de la jeunesse est "extrêmement impliquée dans la vie citoyenne et civique", note Stéphanie Avalle. Sans doute faut-il aussi chercher du côté de l’image souvent négative que les adultes ont des jeunes générations. C’est en tout cas l’avis du Dr Moro, auteure en 2017 de "Et si nous aimions nos ados ?" (éd. Bayard).
Est-ce la faute aux institutions défaillantes ? La faute à l’école ? "Nous sommes, après le Japon et la Corée du Sud, le pays où il y a le plus de phobie scolaire, rappelle Marie-Rose Moro. Nos jeunes ne se sentent pas capables de réussir et d’être de bons élèves et des élèves heureux…" La pédopsychiatre explique que "dès la seconde, il n’y a plus de classe". Et que Parcoursup "a enlevé totalement la question du baccalauréat" - et donc diminué l’importance de ce rite de passage que représente le bac. Mais comme le dit le Dr Moro, "l’école ne fait que suivre l’évolution de la société"...
Or, la société "est de plus en plus individualiste". Si, l’Occident a connu ce "grand mouvement, qui est un mouvement positif, de valorisation de l’individu", observe le jésuite Bruno Saintôt, il souffre de certains écueils. Si chacun est libre, chacun est responsable de son destin, ce qui peut représenter chez les jeunes une pression particulièrement forte. Et renforcer un sentiment de solitude. La pédopsychiatre en fait le constat : "Les jeunes sont seuls."
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