France
Le gouvernement cherche toujours 40 milliards d'euros pour boucler le prochain budget 2026. C’est dans ce contexte que le Sénat examine aujourd’hui la proposition de loi sur la taxe dite "Zucman" visant les "ultra-riches". On vous explique les enjeux autour de cet impôt et son fonctionnement.
Inscrite dans la niche parlementaire des écologistes, cette proposition de loi est inspirée par les travaux de l'économiste Gabriel Zucman d’où son nom. Elle vise à instaurer un impôt planché sur le patrimoine du 0,01 % des contribuables les plus riches en France. Objectif s'assurer qu'ils payent au moins 2 % de leur fortune en impôt.
"C'est la création d'un taux plancher de 2 % sur le patrimoine des très grandes fortunes, défini comme les foyers fiscaux ayant 100 millions d’euros ou plus de patrimoine", expliquait Gabriel Zucman en expliquait le principe mardi sur Public Sénat. "C'est une contribution différentielle. C'est-à-dire que quelqu'un qui paierait déjà l'équivalent de 2 % ou plus de sa fortune en impôts sur le revenu ne serait pas concerné, mais quelqu'un qui paierait moins devrait payer la différence pour arriver à 2 %", précise l’économiste
L'imposition envisagée est donc plus large que l'ancien impôt sur la fortune, qui excluait en grande partie les actifs professionnels contrairement à la "taxe Zucman". Le nombre de foyers fiscaux possiblement concernés est estimé à 1.800. Cette taxe pourrait rapporter 20 milliards d’euros par an, selon les estimations. "Mettre en place une telle taxe tient de la justice fiscale", plaide Layla Abdeke Yakoub porte-parole de l’ONG Oxfam. L'ensemble des Français acquittent environ 50 % de leurs revenus en impôts et cotisations sociales, tous prélèvements compris, ce chiffre tombe à 27 % pour les milliardaires, soit presque deux fois moins.
"Quand vous faites partie du top des ultra-riches, vous payez beaucoup moins d'impôts. Au-delà du 0,1 % des plus riches, l'impôt devient régressif. On ne peut pas rester dans un système qui est dysfonctionnel, comme c'est le cas aujourd'hui".
Le texte a été adopté à l'Assemblée nationale en première lecture le 20 février dernier, contre l’avis du gouvernement, avec 116 voix pour et seulement 39 contre, et avec l’abstention du Rassemblement National. Eva Sas, députée écologiste qui portait le texte, estime que "dans la crise budgétaire, actuelle les plus riches doivent contribuer davantage". "Les plus grands patrimoines, les 500 plus grandes fortunes ont plus que doublé depuis 2017. Au moment où on s'apprête à demander 40 milliards d'efforts d'économie aux Français sur le budget 2026, il n'est pas possible que les plus riches échappent à une contribution minimale", souligne-telle.
Cette proposition de loi a le soutien aussi d’autres économistes, comme Olivier Blanchard, ancien économiste en chef au Fonds monétaire international, ou encore Jean Pisany-Ferry, professeur à Sciences Po et concepteur du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017. Ils ont co-signé une tribune dans le Monde avec Gabriel Zucman. Une cinquantaine de maires en majorité de gauche ont aussi publié dans le Nouvel Observateur un appel en faveur de cette taxe pour desserrer les contraintes budgétaires sur les collectivités.
Un problème de constitutionnalité pourrait se poser si le texte est adopté. "Cette proposition de taxe va à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'imposition confiscatoire", souligne Victor Fouquet docteur en droit fiscal enseignant à l’Institut catholique de Paris. "Dans certains cas, vous pouvez avoir des entreprises qui vont être contraintes de céder des actions et d'aliéner une partie de leur capital simplement pour payer l'impôt. Ce qui n’est pas possible".
Le risque d’exil fiscal est aussi pointé du doigt. "Il n'est pas nul, mais il est quantitativement faible", affirme Eva Sas. Les contribuables concernés continueraient à être soumis à l'impôt planché cinq ans après leur départ, ce qui devrait être de nature à réduire ce risque. "Mais, c'est un impôt qui rate sa cible parce qu'il va appauvrir notre économie", estime Emmanuel Capus, sénateur Horizons du Maine-et-Loire vice-président de la commission des finances. "Sur l'ensemble de nos territoires, des entreprises qui sont présentes, sont les propriétés de gens qui sont très riches, et elles risquent de disparaître. En fait, on risque de freiner très fortement l'investissement dans notre territoire."
Le gouvernement a, lui, préparé sa propre version d’une taxe sur les ultra riches, mais avec un taux de seulement 0,5 % et en excluant les actifs professionnels. "Il y avait aussi d’autres pistes plus efficaces à creuser", rappelle Emmanuel Capus. "Comme par exemple, taxer les dividendes dormants dans les holdings. Si certains ultra-riches paient moins d'impôts, c'est parce qu'ils ne se versent pas de dividendes. Dans ces cas-là, on pourrait taxer ces dividendes".
Reste à trouver une majorité au Sénat pour cette taxe et ce n’est pas gagné, car la droite et le centre sont majoritaires. "Mais même en cas de rejet l’idée aura avancé. On fait bouger les lignes", estime Eva Sas, qui promet de "mener la bataille également dans le cadre du projet de loi de finances à l'automne".
Chaque matin à 7h10, les journalistes de RCF décryptent un sujet d'actualité en profondeur, dans la Matinale RCF.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !