Le gouvernement Lecornu II face au déficit public
Une proposition de budget a finalement été dévoilée mardi 14 octobre par Sébastien Lecornu. Son gouvernement a été composé avec un objectif : donner un budget à la France pour l’année 2026. François Ecalle, conseiller et maître honoraire à la Cour des comptes, analyse la relation entre économistes et politiques sur les questions de budget.
Sébastien Lecornu à l'Assemblée Nationale © Magali Cohen/ Hans LucasLe locataire de Matignon a mis sur la table pas moins de 29 propositions de mesures fiscales, avec pour objectif de faire retomber la dette de la France à 4,7 % de son PIB.
Suspendre ou ne pas suspendre, telle est la question
Le gouvernement Lecornu II progresse sur un chemin de crête entre les lignes jaunes des uns et des autres. Pour François Ecalle, le monde politique se divise en deux : ceux qui ne veulent pas entendre parler de hausse d’impôts et ceux qui s’opposent à un plan de redressement reposant sur les économies. Une question clivante fait l’objet de tractations entre ces deux camps : la possible suspension de la réforme des retraites.
Si vous reculez l'âge de départ, vous augmentez la population active et, à plus ou moins long terme, cela conduit à plus d'emplois, plus d'activités, donc plus de recettes, non seulement pour les caisses de retraite, mais aussi pour l'État, les collectivités locales, etc.
Pour le maître honoraire de la Cour des comptes, il n’y a pas de débat : le recul de l’âge de départ à la retraite est un très bon moyen de réduire à la fois le déficit public et de stimuler l’activité économique. « Si vous reculez l'âge de départ, vous augmentez la population active et, à plus ou moins long terme, cela conduit à plus d'emplois, plus d'activités, donc plus de recettes, non seulement pour les caisses de retraite, mais aussi pour l'État, les collectivités locales, etc. » François Ecalle nuance : le recul de l’âge minimal de départ à la retraite n’est pas le seul moyen de réduire le déficit public. Il est également possible de jouer sur le nombre d’années de cotisation pour avoir le taux plein. « C’est un choix qui est quand même très politique. » L'économiste invite également à réétudier les questions de pénibilité et de maternité.
29 mesures fiscales pour réduire le déficit public
François Ecalle remonte le déficit public de la Ve République depuis 1974. Dès lors, la France a évolué avec un déficit qui n’a cessé de se creuser. « Tous les gouvernements français depuis 50 ans, par exemple, ont présenté à la Commission européenne ce qu'on appelait des programmes de stabilité, dans lesquels on voyait toujours le déficit revenir soit à zéro, soit à 3 % du PIB, qui est le seuil officiel européen, mais il n'y avait aucune explicitation des mesures qui permettaient de le faire, parce que ces mesures, forcément, sont impopulaires », analyse l’économiste.
On appelle ça un effet boule de neige, dans lequel la dette augmente spontanément, mécaniquement, à cause des intérêts, de la charge d'intérêt.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron a dû commencer à mettre en place des mesures impopulaires, car le taux d’intérêt de la dette, qui diminuait jusqu’alors, est remonté, faisant craindre un taux d’intérêt supérieur au taux de croissance, risquant d’entraîner l’économie française dans un mécanisme infernal. « On appelle ça un effet boule de neige, dans lequel la dette augmente spontanément, mécaniquement, à cause des intérêts, de la charge d'intérêt. Et plus la dette est élevée, plus c'est difficile de faire marche arrière. Donc ça, c'est nouveau. »
Pour enrayer ce mécanisme, le gouvernement Lecornu propose 29 mesures fiscales. Parmi elles, le texte prévoit de créer plusieurs nouvelles taxes :
- sur les “holdings patrimoniales”,
- une taxe sur les “petits colis”, de moins de 150 euros, en provenance des pays non européens,
- le maintien de la contribution différentielle sur les hauts revenus, créée en 2025, qui vise une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus,
- le maintien de la taxe sur les profits des grandes entreprises, mais avec un taux divisé par deux.
- Le texte vise également la suppression de 23 niches fiscales sur les 474 du dispositif actuel, ainsi qu’une révision de l’abattement de 10 % pour “frais professionnels”.
Le texte va désormais faire l’objet de nombreux débats au Parlement, jusqu’à son vote par les deux chambres, le premier ministre ayant renoncé à l’utilisation du 49.3.


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