Selon la tradition catholique, c’est l’Esprit-Saint qui « agit » au conclave. Oui mais comment ? Réflexions de Louis Daufresne après le débat du jour de ce mercredi 7 mai, jour d'entrée en conclave.
Même s’il faisait très chaud sous la voûte de la Sixtine, le conclave serait moins une affaire de transpiration que d’inspiration. Le huis-clos ecclésial consiste à se mettre à l’écoute de l’Esprit de Dieu lui-même. Après les congrégations générales, il s’agit d’un moment liturgique où chacun, uni à tous, retourne vers soi pour saisir ce que l’Esprit-Saint lui souffle dans son cœur et son intelligence. Institution hybride, l’Église catholique a les pieds sur terre parmi les hommes mais la tête au Ciel auprès de Dieu. Elle a les clés du Royaume, c’est-à-dire de l’éternité heureuse. Le pape « n’est que » le vicaire du Christ, soumis en tout à sa parole et à son exemple. Les cardinaux ne se réunissent pas pour se donner un chef de parti, un président ou même un empereur mais trouver la personne qui, au milieu d’eux, est l’élu de Dieu. Selon ce principe, présenter des candidats n’aurait aucun sens. Pour devenir pape, il ne faut pas le vouloir mais l’accepter. C’est une charge. Il faut d’ailleurs que l’élu accepte son élection et, si oui, qu’il donne dans la foulée le nom qu’il choisit pour régner. Car le pouvoir ne peut venir que d’en haut. C’est parce que l’élu accepte d’être évêque de Rome qu’ipso facto, il devient successeur de Pierre et Pape.
Cette logique s’explique fort bien : Pierre fut choisi par Jésus lui-même. L’Esprit-Saint venu sur les apôtres à la Pentecôte accompagne leurs successeurs jusqu’à la fin. Instituée par le Christ en personne, l’Église repose sur cette filiation, laquelle sédimente dans l’histoire sous la forme d’une tradition. Comme l’écrit Claude Tresmontant, « lorsque l’Église, aujourd’hui, sur un point quelconque de la planète, en n’importe quelle langue mais par une traduction correcte, communique à ses fidèles l’enseignement évangélique, l’origine radicale de l’information transmise est le Christ lui-même. Le temps ne compte plus. Les intermédiaires sont sans importance, s’ils sont suffisamment transparents pour laisser passer l’information, s’ils ne font pas obstacle ». Se mettre à l’écoute de l’Esprit-Saint, c’est ça : ne pas faire obstacle à Dieu qui informe le monde, laisser passer l’information divine.
Cette exigence se conjugue à la dimension humaine de tout lieu de pouvoir. Les cardinaux sont aussi tributaires de clivages et surtout d’une manière médiatique de voir le réel dont ils doivent se départir. Le match n’est pas entre progressistes et traditionalistes, cathos de gauche et réactionnaires, réformateurs et conservateurs. Tout ce lexique est pétri de contradictions dès lors qu’on l’interroge sérieusement et honnêtement. L’agitation médiatique risque d’être vaine et futile si elle reste au seuil de ce que l’événement signifie. Parlant de Vatican II, Joseph Ratzinger avait déploré le « concile des media », miroir devenant plus vrai que la réalité qu’il est censé refléter. L’Esprit-Saint étant une réalité théologique, on est prompt à laisser de côté cette référence spirituelle pour faire du conclave une élection comme une autre. Sans voir que si les cardinaux sont enfermés, c’est pour s’ouvrir à l’inspiration divine, la seule qui vaille pour le salut du monde.
Chaque jour à 9h10, pour prolonger la Matinale, Pierre-Hugues Dubois et Louis Daufresne décryptent l’actualité du jour ou de la semaine avec des observateurs de l’actualité ayant des prismes différents pour nourrir le débat, des journalistes de la presse chrétienne et généraliste, des acteurs engagés...
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