Claire des Mesnards | Sound of silence

Aujourd'hui, les mots semblent de peu de poids face au réel. Voilà cette nouvelle démission d’un Premier ministre, qui nous renvoie brutalement à l’idée de notre propre ingouvernabilité. Et pendant ce temps continuent de se dérouler sous nos yeux les répliques sanglantes du séisme du 7 octobre qui malgré les espoirs de cessez-le-feu, n’en finissent plus de nous faire plonger dans l’horreur de la destruction. Malgré cette instabilité politique inédite, tout à l’heure le ministère français des affaires étrangères sera bel et bien debout pour rendre hommage aux 51 Français, tués lors des attaques du Hamas le 7 octobre 2023, ou décédés par la suite, durant leur captivité à Gaza.

Il est des institutions qui demeurent, au milieu des chaos. La presse internationale peut bien s’étonner de nos déboires gouvernementaux. Aujourd’hui le Quai d’Orsay garde le cap de la mémoire due à celles et ceux de nos concitoyens qui ont été emportés par cette violence totale. Quinze jours après la reconnaissance par la France de l’État de Palestine, qui intervient d’ailleurs 10 ans après celle assumée par le Vatican, cet hommage vient marquer une égale attention portée à chacune des victimes, au-delà des camps.

Le poids du silence

 Au-delà aussi de la violence, qui si souvent advient et se développe lorsque la parole est humiliée. La parole humiliée, c’est le titre d’un livre de Jacques Ellul. Publié en 1981, exactement ! Nous gagnerions à le relire, aujourd’hui où le spectacle du monde s’impose sur tous les écrans ; et dans les postures convenues, et dans les discours que modèle l’art de la communication jusqu’à ce que les mots même soient vidés de leur substance. Malheureusement, notre actualité se fait trop souvent le reflet de cette manie consistant à vouloir mettre en scène la bonne image de soi, celle que l’on veut donner à voir absolument, vous savez ce bon profil sans lequel vous perdriez la face aux yeux de tous et mêmes de vos amis !

Cela ruine toute possibilité de dialogue. Tout se passe alors comme si, de tout bord, chacun se contentait d’abattre ses meilleures cartes, de les asséner aux autres, dans le seul but de dominer sans laisser le moindre espace d’une remise en question. Celle-ci finit pourtant par se produire, mais c’est par l’effondrement du fragile édifice dans lequel on avait placé toute sa force et sa confiance… alors qu’on aurait pu choisir la parole, et le dialogue, qui construisent.

Jamais trop tard pour se tourner vers Dieu

Ce Dieu des Écritures saintes, qui ne se laisse enfermer dans aucune image, ce Dieu de parole ! Ce Dieu qui appelle Caïn, du milieu de sa rage de se voir rejeté là où son frère, lui, semble avoir été pleinement agréé. Ce Dieu qui nous invite à ne pas nous tromper d’ennemi : le problème n’est pas ton frère, mais le péché tapis à ta porte. Ce Dieu nous encourage aussi à la parole, et à son corollaire : l’indispensable écoute ! Celui et celle qui écoute recevra aussi la sagesse qui aide à gouverner ; à se gouverner soi-même, pour commencer. Celui et celle qui écoutent sauront aussi déchiffrer, jusque dans le silence, l’indicible de Caïn envers son frère. Celui et celle qui écoute entendra encore les sangs d’Abel crier de la terre meurtrie vers le ciel. Alors, ensemble ils s’inscriront dans le geste divin qui vient briser les cercles vicieux de nos représailles. Ensemble, ils apprendront la justice ; qui fait droit à chacun. Et de là, naîtra la paix.