Alors que la crise du logement s’intensifie et que les inégalités territoriales se creusent, la solidarité autour de l'habitat revient au cœur des débats. Politiques publiques en transition, mobilisation citoyenne, pression immobilière : le modèle français de solidarité est-il en train d’évoluer ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Des personnes âgées isolées, des familles monoparentales, des personnes à mobilité réduite, en situation précaire. En face, un manque criant de logement, des logements insalubres pour certains, des conditions de vie indignes pour d’autres.
Face au manque de toits en France, la solidarité est de bonne augure. Comme avec l’association Habitat & Humanisme, mouvement précurseur de l’économie solidaire, ou l’association SOLIHA qui propose de mettre en relation des propriétaires avec des locataires potentiels, en situation de précarité.
“Dans les années 1980, on a vu apparaître un nouveau type de pauvreté en France : le mal-logement. Dans ces années-là, le besoin est qualitatif”, explique François Rochon, urbaniste, spécialiste de la politique de logement. “Il ne s’agit pas là de ne pas être logé, mais d’avoir autour de son cadre de vie une ou plusieurs problématiques”, continue-t-il. Pour Bernard Devert, fondateur de l'association Habitat & Humanisme, et ancien promoteur immobilier, “proposer un logement décent, c’est marquer le respect de la dignité de la personne”.
Bernard Devert est prêtre, en parallèle de son activité dans le bâtiment. Il raconte comment le projet d’Habitat & Humanisme est né de sa rencontre avec une personne âgée isolée. Après une tentative de suicide, parce qu’elle devait quitter involontairement le quartier dans lequel elle vivait depuis 70 ans, cette dernière avait expliqué à l’ancien promoteur qu’elle ne pouvait vivre ailleurs, sans ses amis, qu’elle préférait mourir. À la suite de cette rencontre, Bernard Dever s'est engagé à “travailler pour permettre aux personnes de rester dans leur quartier et d’éviter que les personnes les plus pauvres soient celles les plus assignées à des quartiers pauvres, à tel point qu’on parle aujourd'hui des quartiers perdus pour la République”.
Proposer un logement décent, c’est marquer le respect de la dignité de la personne.
Le principe de l’économie solidaire lui est venu pour répondre à ce type de situation. D’ailleurs, Dorine Branget, chargée de mission pour l’association SOLIHA, explique comment cette structure répond aussi à la crise du logement. “Notre fédération regroupe 123 associations en métropole et en Outre-mer. En faisant se rencontrer des personnes en difficulté avec des propriétaires solidaires, nous gérons actuellement 40.000 logements”.
La solidarité, argument de poids pour beaucoup de propriétaires. “Je voudrais prendre en exemple l’arrivée des réfugiés ukrainiens en France au début de la guerre”, cite Dorine Branget. “On a vu un élan de solidarité de la part des propriétaires. Lorsqu’il a fallu loger tous ces ménages, l’État a appelé à la solidarité, et ce sont plusieurs milliers de propriétaires, de logements, de résidences secondaires et de logements vacants qui se sont fait connaître”, explique-t-elle. Pour Dorine Branget, le fait d’être solidaire attire beaucoup ces propriétaires qui font, en ce sens, une action pour le bien commun.
En compensation du service solidaire rendu, les propriétaires profitent de mécanismes fiscaux. “Le propriétaire est incité à louer son logement moins cher que le prix du marché en échange de réduction fiscale”, détaille la chargée de mission pour l’association SOLIHA. Dans ce schéma, les associations jouent deux rôles entre les propriétaires et les locataires. “L’association va pouvoir présenter ces incitations fiscales, mais aussi le volet de sécurisation des loyers, pour que les propriétaires s’y retrouvent, et que le locataire puisse s’approprier son logement, et devenir un locataire de droit commun”.
Parmi les 3.1 millions de logements vacants en France, il y en a 400.000 qui se trouvent en centre-ville.
“Pendant une trentaine d’années, on a fait tout ce travail de terrain de décentralisation, on a continué à encourager le développement des logements sociaux, on a essayé de trouver des solutions du côté de l’accession à la propriété. Mais, au fond, la crise du logement perdure”, constate François Rochon. “Le taux de propriétaires aujourd’hui en France, est toujours à 57 %”, rappelle l’urbaniste. “Parmi les 3.1 millions de logements vacants en France, il y en a 400.000 qui se trouvent en centre-ville”, renchérit Bernard Devert. Une importante quantité de logements qui, rénovés, pourraient permettre de freiner les effets de cette crise qui sévit sur le territoire, et n'exclue d'ailleurs plus aucune ville.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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