Le réseau d'épiceries sociales Andès a dévoilé les résultats de son premier Baromètre national des travailleurs pauvres. CDD, contrat aidé, intérim, mais aussi CDI, aucun contrat ne semble être épargné. Nouvelle illustration de la précarité alimentaire dans notre pays, il ressort de cette étude que plus d’un actif pauvre sur deux dit ne pas manger à sa faim.
Un emploi, mais pas d’assiette pleine, cet oxymore devient le quotidien de certains Français. C’est ce que constate l’association nationale des épiceries solidaires (Andès). Cette dernière a voulu mettre à son tour en lumière l’étendue de la précarité alimentaire en France, une problématique déjà étudiée par l’Insee et signalée par d'autres associations.
Cette étude a été réalisée auprès d’un échantillon d’un millier de personnes, toutes en situation d’emploi, mais avec de très bas revenus. Le constat s’avère très préoccupant souligne Yann Auger, directeur général d’Andès.
La faim gagne du terrain
“53 % des travailleurs pauvres ne mangent pas à leur faim, souligne Yann Auger. “Cela signifie qu'un peu plus de 10 % des travailleurs, sur l'ensemble de la population en emploi, rencontrent des difficultés pour se nourrir correctement”, reprend-il.
Un travailleur pauvre sur cinq déclare être contraint de carrément faire sauter des repas à ses enfants.
La situation concerne également les familles de ces travailleurs pauvres. Les enfants ne sont pas épargnés non plus. Le directeur général d’Andès s’inquiète que "dans les familles qui sont concernées par ce phénomène de travailleurs pauvres, on a tendance à limiter également la quantité et la qualité de l'alimentation qui est proposée aux enfants”. Yann Auger parle de plus d'un travailleur pauvre sur cinq qui déclare “être contraint de carrément faire sauter des repas à ses enfants. Donc, là, ça devient quand même très sérieux et très grave. On est sur un phénomène très, très préoccupant”.
L’alimentation des travailleurs précaires est marquée par la contrainte des prix. Le budget alimentaire est devenu une contrainte brutale : 83 % des répondants ont réduit leurs dépenses alimentaires cette année et cela impacte la qualité des produits consommés.
Yann Auger tire la sonnette d’alarme. “On a 74 % de notre échantillon de 1000 travailleurs pauvres qui affirment être contraints de s'alimenter essentiellement avec des féculents, et rencontrer une grande difficulté pour varier ses repas. Donc, on n'est pas seulement sur une problématique de quantité, on est aussi sur une problématique de qualité.” Il constate aussi que “69 % des personnes nous indiquent que les fruits et légumes frais sont beaucoup trop chers pour leur budget”, les forçant à se rabattre “plus fortement sur des produits moins frais, plus transformés, etc., qui ne sont pas sans poser question pour leur santé”.
Quand il faut prioriser, on coupe en premier les loisirs. Puis, vient la santé, le repas et l'alimentation. En tout dernier lieu, c'est la dépense relative à l'habitation.
À l’aune de cette situation, la crise de la Covid, la crise de l’inflation, la précarisation de l’emploi et la remontée du chômage. Le constat est partagé par l’ensemble des associations d’entraides.
“Effectivement, c'est un phénomène que l'on connaît bien par les chiffres, et qu'on voit aussi sur le terrain", réagit Nicolas Champion, secrétaire national du Secours populaire. "L'important quand on gère un foyer et quand on gère un budget, c'est l'écart entre les charges et les revenus. Généralement, quand il faut prioriser, on coupe en premier les loisirs. Puis, vient la santé et l'alimentation. En tout dernier lieu, c'est la dépense relative à l'habitation. On fait généralement tout ce qu'on peut pour conserver un toit au-dessus de sa tête”, énumère-t-il.
Dans le panel interrogé, la plupart sont des travailleurs sous le seuil de pauvreté établi par l’Insee, ce qui équivaut à 60 % du niveau de vie médian de la population en situation d’emploi précaire (CDD, contrat aidé, apprentissage ; intérim ; temps partiel subi, mais aussi des indépendants et surtout des CDI). “En 2025, avoir un contrat à durée indéterminée n’est plus une protection”, constate Yann Auger.
“C'est vrai que l'exemple des CDI est le plus frappant, parce qu’il s’oppose à une vision que l'on a tous du travail comme principal facteur d'intégration”, explique le directeur des épiceries solidaires Andès. “Il y a une problématique lorsqu'on est sur du travail fragmenté, à temps partiel, sur des contrats précaires, etc.”, continue-t-il. Si cela semble très intuitif, ça l’est beaucoup moins pour les personnes en CDI. Yann Auger estime qu’il s’agit d’un sujet majeur, en témoigne “les réponses très inquiétantes obtenues à ce questionnaire”.
En 2025, avoir un contrat à durée indéterminée n’est plus une protection.
Dans son bilan, le collectif Andès constate que les dispositifs d’aide sont insuffisamment utilisés. "À très court terme, il est clair que les personnes qui se retrouvent dans cette situation peuvent fréquenter les dispositifs d'aide alimentaire, et tout particulièrement les épiceries sociales et solidaires”. L’association et son directeur regrettent que beaucoup de travailleurs pauvres fassent trop peu appel à leur service, convaincus qu’il n’y ont pas le droit, et exhortent les populations les plus précaires à se tourner vers ces solutions prêtes à les servir.
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