
LE MOT DE LA SEMAINE - L’été mais aussi les vacances s’installent et avec ses deux mois, juillet et août, et sans doute à un moment ou à un autre, chacun va vivre l’agréable statut de vacancier ou d’estivant. Jean Pruvost nous raconte l'histoire des termes "estivant" et "vacancier", dont leur apparition est très récent.
On commence par le mot magique de « vacancier » dont tout le monde conviendra qu’il s’agit d’un vocable, très doux à l’oreille et bien agréable à vivre. Et même son origine latine est plaisante, il s’agit en effet tout simplement du verbe « vacare », être vide, avoir du temps, et de ce verbe est issu le participe présent « vacans » qui nous a offert, attesté en 1207, l’adjectif « vacant », synonyme en ancien français de l’épithète « oisif », consistant plaisamment à n’avoir rien à faire de précis. Or, aussi curieux que cela puisse paraître, ce sont d’abord les tribunaux qui ont utilisé l’agréable substantif qui en est issu, les « vacances », d’emblée attestées dès 1594 au pluriel, en désignant alors la période particulière où les tribunaux interrompaient leurs travaux. C’est dans le sillage de ces vacances « judiciaires », qu’étaient précisément attestées en 1623 les « vacances » des élèves. Ainsi, pendant un temps déterminé, au cœur de l’été, sont alors oubliés les procès, devoirs et punition. On ne parle cependant pas encore de « vacancier ».
De fait, ce mot aujourd’hui si courant et que personne n’ignore, à commencer par nos élèves, a mis bien longtemps avant de s’installer puisqu’il faut attendre 1925 pour qu’il soit attesté en langue française mais seulement les années 1950 pour qu’il soit de plein usage. Et de fait, un usage discuté… En témoigne dans ces mêmes années 1950 ce mot d’un linguiste alors chroniqueur de langue et au reste de grande qualité, Robert Georgin, déclarant tout crûment que « ce néologisme est affreux » et qu'il faut lui préférer « estivant ». En vérité, l’idée était que le mot « vacancier » passerait de mode. Or ce ne fut pas le cas et pour une raison simple, il offrait opportunément un sens bien plus large que le mot « estivant », dans la mesure où il pouvait aussi bien correspondre au vacances d’été qu’à celles d’hiver, naissantes. L’usage est en réalité éloquent : je peux être un « vacancier » à Noël, mais on ne dira pas que je suis un « estivant » en décembre…
Quant au mot « estivant », on repère tout de suite qu’il s’agit du participe présent du verbe « estiver », ce dernier verbe datant du XVe siècle, issu du latin « aestivere », passer l’été. À ceci près que le sujet de ce verbe ne désignait pas des êtres humains mais les vaches et brebis emmenées tout l’été dans les verts pâturages de nos montagnes. On parle aussi d’ailleurs d’estivage, ce dernier mot étant attesté en 1856. Alors de quand date le mot « estivant » ? On l’atteste pour la première fois en 1920, et on le relève tout d’abord en tant qu’adjectif avec des « touristes estivants », vite abrégés en « estivants ». Le mot eut un succès immédiat d’autant plus qu’en 1936, naissaient les « congés payés », accordés en été.
Pour conclure, on vous fait deviner le mot « estivant » avec ces deux propositions faussement pessimistes : « Personne à l’ombre », à l’ombre d’un micocoulier ou d’un parasol bien sûr, en rien celle d’une prison, ou encore : « Ne passera pas l’hiver ». Avec les congés estivaux, on est effectivement au cœur de l’été. Et enfin, une autre proposition à peine correcte : « Est halé partout », bronzé. Bronzé partout ? Bon, peut-être pas partout tout de même !
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !
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