Le film de la semaine : "La femme la plus riche du monde" de Thierry Klifa

Deux films a priori aux antipodes l’un de l’autre, mais à qui on peut trouver un point commun : celui de partir d’un fait divers (un meurtre dans le premier cas, une captation d’héritage dans le second) pour en faire quelque chose de plus universel. De l’ordre de l’intime et du politique chez Ozon, plus culturel et sociologique chez Klifa. Mais les deux scrutent l’âme humaine avec la même
acuité et la même intensité.

La femme la plus riche du monde

Lilianne Bettencourt, rebaptisée Marianne Farrère pour les besoins de la fiction,  voit son quotidien morne et lassant, chamboulé par l’arrivée d’un photographe-trublion. On connait l’issue du vrai procès et la condamnation en 2016 de François-Marie Banier, alias ici Pierre-Alain Fantin, pour abus de faiblesse. Le réalisateur a choisi d’en faire une comédie. Une comédie décoiffante et grinçante, sur un univers rarement montré au cinéma : la haute bourgeoisie industrielle où l’on apprend à rester discret et mesuré, jusqu’à s’y ennuyer à mourir. C’est le cas de Marianne, femme puissante et intelligente, non dénuée d’humour, impeccablement interprétée par Isabelle Huppert, qui va découvrir tout à coup l’extravagance et l’exubérance de Fantin. Un rôle en or pour Laurent Lafitte ! qui excelle à jouer la provocation jusqu’à l’outrance.

De quelle nature est leur relation dans le film ?

C’est un mélange de séduction, d’amusement, de plaisir réciproque à transgresser et à choquer. Chez elle, avec un sentiment certain d’amitié. Chez lui, un attrait évident pour sa fortune, mais c’est tout l’intérêt du film : ne pas réduire cette histoire à une affaire d’argent mais d’en faire le théâtre de la comédie humaine. Parmi l’entourage, il y a Frédérique, la fille de Marianne, Guy, son époux, et le majordome, au centre de ce jeu de massacre féroce. Il est joué par Raphael Personaz, il est le lanceur d’alerte qui va révéler les
excès de Fantin, le seul à avoir une sorte de code moral et à vouloir rétablir le bien. Il va en payer le prix fort ! Quant à la fille, jouée par Marina Foïs, c’est le personnage le plus tragique, en quête perpétuelle de l’amour d’une mère, et enfermée dans son sens du devoir et de la famille. Les dialogues sont au diapason de l’intrigue, ciselés, percutants, brillants, et la mise en scène donne l’illusion de s’approcher au plus près d’une vérité humaine plus vaste que le simple verdict d’un procès. Le film à voir cette semaine c’est La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa.