Vatican
Le 7 mai, les portes de la chapelle Sixtine vont se fermer, laissant entre eux, isolés du monde, les cardinaux chargés d'élire le prochain pape. Pour autant, jusque là, ils ont encore accès à leur téléphone, à la presse et sont des observateurs des paris lancés par les médias sur le nom du prochain pape. Leur choix sera-t-il influencé par ces bookmakers ? Réponses avec Olivier Mathonat.
À partir du 7 mai, les cardinaux du monde entier devront se mettre d’accord sur le successeur de François à la tête de l’Église. Ce-dernier devra recevoir les deux tiers des votes des 135 cardinaux électeurs. Pour l’heure, ces-derniers évoluent encore en-dehors de la Chapelle Sixtine et apprennent à se connaître. Cet apprentissage se fait aussi par des bases de données disponibles en ligne. C’est donc avec des noms en tête que les cardinaux commencent à voter lors des conclaves. Olivier Mathonat, chercheur en sciences de l’information et de la communication, s’est spécialisé dans l’étude de ces influences.
Les cardinaux avaient l’habitude que les médias se transforment en bookmakers à l’approche des conclaves. Sur les plateaux, à l’antenne, dans les pages des quotidiens... les noms des papabili – ces cardinaux qui pourraient devenir pape – se multiplient. Certains sites de paris en ligne proposent même de parier sur le prochain successeur de Pierre.
Pour autant, les 135 cardinaux électeurs du collège cardinalice n’avaient jusque-là jamais utilisé internet pour se renseigner sur leurs confrères en pourpre. Les bases de données retraçant les parcours de tel ou tel cardinal (College of Cardinals, Report Cardinalis, Red Hat Report…) se sont multipliées sur le web. Auparavant, les cardinaux profitaient de la période de sede vacante pour apprendre à connaître les autres membres du collège. Désormais, ils peuvent s’en remettre à des avis extérieurs.
Et pour Olivier Mathonat, ces sites ne sont pas innocents. "Ce sont des gens qui ont beaucoup travaillé, qui font un travail d'analyse très fin et ils mettent à disposition des cardinaux des ressources présentées comme des bases de données sur qui fait quoi, qui est qui. Chez ces ressources, l’angle est fort. Elles jouent sur l'ambiguïté d'être une source objective, neutre, mais avec une ligne éditoriale qui est assez marquée." Les cardinaux les plus en vue ressortent ainsi davantage aux yeux du collège. La politique rentre en jeu avant même la prononciation du Extra omnes.
Si les bases de données en ligne sont consultées, les chefs d’État le sont beaucoup moins. Historiquement, certains États avaient en quelque sorte un droit de veto sur le nom du successeur du pape. Olivier Mathonat rappelle ainsi que saint Pie X a été élu grâce à l’influence de l’Autriche-Hongrie, en 1903. Depuis, ce droit n’est plus du tout d’actualité.
Emmanuel Macron a pourtant tenu à rencontrer les cardinaux électeurs français à la Villa Bonaparte. Une intervention qui a peu de chance d’aboutir à quelque influence, selon Olivier Mathonat. "Qu'un président d'un État fasse savoir qu'il aimerait bien qu'un cardinal de son pays soit élu, bon, il y a un peu de chauvinisme et ce n’est pas très grave. En revanche, s'il y a des manœuvres qui sont faites de manière un peu plus diplomatiques, un peu plus insistantes, c'est autre chose. J'ai bien peur pour M. Macron que ça ait l'effet exactement inverse. Les cardinaux ne détestent rien moins que de se sentir l'objet de manipulation."
Le secret du vote et des discussions est donc toujours de mise au sein du conclave. Il se présente comme le moyen de s’assurer qu’aucune pression ne soit mise. Ou du moins, que personne ne sache si elle a fonctionné ou non.
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