Qui sera le prochain pape ? La question intéresse et passionne au-delà même de la sphère catholique. En attendant de voir la fumée blanche sortir du toit de la chapelle Sixtine à l’issue du conclave qui débute ce mercredi 7 mai, les journalistes mettent à jour leur liste de papabili. Qui sont les candidats présentant de sérieuses chances d'être élus à la tête du Vatican et de gouverner l'Église catholique ?
Dans la tradition de l’Église catholique, on dit que c’est l’Esprit-Saint qui agit au cours de l’élection d’un nouveau pape. Sans doute est-ce une façon de souligner combien il est difficile, voire impossible, de prédire qui sera élu ! Les observateurs les plus avertis se sont en effet trompés plus d’une fois sur leurs prévisions. Désigner les papabili, c’est tout le travail des vaticanistes, ces experts qui connaissent suffisamment les subtilités de la hiérarchie vaticane et les grands défis de l’Église catholique. Car correspondre aux critères pour être pape est une chose, entrer dans la liste des papabili en est une autre.
Est élu pape celui qui obtient plus des deux tiers des voix des cardinaux. Officiellement, tout homme baptisé et fidèle à la foi et aux principes de l'Église catholique romaine peut être élu pape. En pratique, il faut être cardinal – ce qui relève du choix du pape car c'est lui qui "crée" les cardinaux. Et avoir moins de 80 ans car c'est l'âge limite pour élire un pape et dans les faits, les cardinaux électeurs élisent l’un d’entre eux.
Les votes ont lieu lorsque les cardinaux sont réunis en conclave mais tout se joue lors des congrégations générales. Ces réunions de cardinaux qui précèdent la tenue du conclave sont d’une importance capitale. C’est là où certains candidats ont la possibilité de se démarquer. On dit qu’en 2013, le discours qu’a prononcé Bergoglio lors des congrégations générales a suscité l’intérêt des cardinaux et fait pencher la balance en sa faveur.
Papabile est un mot du jargon des vaticanistes, les observateurs du Vatican. Ils attribuent ce qualificatif à ceux qu’ils estiment avoir un certain potentiel pour diriger l’Église catholique. Et il y a de nombreux critères pour cela. Il faut avoir longuement observé les rapports de pouvoir au sein de la gouvernance du Vatican pour être en mesure de déterminer les papabili.
Les vaticanistes prennent en compte l’âge mais surtout l’expérience des cardinaux. Ceux qui ont fait leurs preuves à la tête d’une institution ecclésiale ont de sérieuses chances d’attirer l’attention de leurs pairs. Ainsi le cardinal Jorge Bergoglio avait démontré la solidité de ses compétences en cohérence avec sa réflexion théologique au sein du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM). Notons que cela ne l’a pas empêché d’apparaître comme un inconnu aux yeux de la plupart des observateurs le jour de son élection.
Tout aussi important que le "cv", la capacité à s’entourer, à fédérer des équipes, représente un critère de taille. Les cardinaux doivent s'assurer que le candidat saura mettre en œuvre la vision qu’il porte. Même si cela va à l’encontre de l’idée souvent répandue que le pape gouverne comme un monarque absolu.
Enfin, un candidat sérieux est un prélat qui répond aux défis que les cardinaux auront identifiés pour l’Église catholique. Vont-ils considérer que l’avenir du catholicisme est en Amérique latine, où vivent la majorité des baptisés ? Est-il dans la vieille Europe que l’on dit en grande partie déchristianisée ? N’y a-t-il pas plus de défis à relever au Proche-Orient où l’urgence de faire progresser le dialogue interreligieux est prégnante ? À mesure que le nombre de catholiques dans le monde grandit - il a passé la barre du milliard d'individus sous le pontificat de François - le centre de gravité de l’Église se déplace vers le Sud. En Asie et en Afrique se trouvent certains des pays parmi les plus catholiques au monde : les Philippines et la République démocratique du Congo (RDC).
On compte 108 votants créés cardinaux par le pape François sur un collège qui en compte 134 ou 136 selon les sources. Parmi elles, le site internet The College of Cardinals Report, créé par les journalistes Diane Montagna et Edward Pentin, qui recense la liste des cardinaux électeurs et désigne certains comme papabili. L'ambassade de France près le Saint-Siège tient également à jour une liste des cardinaux électeurs.
Si la majorité des électeurs ont été créés par le pape François, cela signifie-t-il qu’ils vont élire un bergoglien - c'est-à-dire un homme de même sensibilité que l’ex cardinal Bergoglio ? Après un pontificat en forme de bras de fer avec la Curie romaine, porter le qualificatif bergoglien peut être désormais synonyme de clivant dans une Église qui souhaite maintenir son unité. Les cardinaux pourraient faire le choix d’un pape consensuel et laisser agir dans son ombre des bergogliens plus affirmés. Ainsi, l'archevêque d'Alger Jean-Paul Vesco, qui se dit "bergoglien jusqu’au bout des ongles !" ne figure pas dans certaines listes de papabili.
Parmi les bergogliens papabili, on compte par exemple Michael Czerny, jésuite canadien d’origine tchèque connu pour son engagement en faveur de la justice sociale. Il dirige le dicastère pour le Service du développement humain intégral depuis 2022. Autres bergogliens : l’Américain Robert Walter McElroy, tout juste nommé archevêque de Washington en janvier 2025 et présenté comme un opposant à Donald Trump. On compte aussi l’archevêque de Lima Carlos Castillo Mattasoglio, proche de la théologie de la libération.
Le nom du Français Jean-Marc Aveline revient souvent. L'archevêque de Marseille qui a fait venir le pape dans son diocèse en septembre 2023 est un sérieux papabile. Tout juste élu à la tête de la Conférence des évêques de France, le 2 avril, il a déjà pu exprimer publiquement sa vision de la gouvernance de l'institution ecclésiale.
Le pape argentin avait lui-même dit au soir de son élection que les cardinaux étaient allés chercher le nouveau pape "quasiment au bout du monde". Et si son successeur venait à son tour déplacer plus encore le centre du catholicisme ? Par exemple en Asie, où le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, présente une sérieuse candidature. Président de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples depuis 2019, il avait déjà été fortement pressenti lors du dernier conclave.
Mais si l’Église continue de se décentrer depuis Jean-Paul II, cela signifie-t-il que les cardinaux italiens ont désormais peu de chances d’être élus papes ? Certains sont tout de même souvent cités comme papabili, en particulier Pietro Parolin, actuel numéro deux du Vatican. On ne peut pas non plus ne pas mentionner Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence des évêques d’Italie, qui a aussi joué un rôle dans la diplomatie vaticane. Enfin, avec sa connaissance du Proche-Orient, Pierbattista Pizzaballa, premier patriarche latin d’Orient à être nommé cardinal, fait aussi partie des papabili.
On sait combien l’Église catholique est à sa tête traversée par de nombreuses tensions. Au cours du pontificat de François, plusieurs cardinaux ont fait entendre leur voix et se sont opposés à lui. Par exemple au moment du synode sur la synodalité ou lors de la publication du motu proprio "Traditionis custodes" sur le rite extraordinaire de la messe. Des opposants qui ont trouvé une certaine audience parmi les catholiques conservateurs ou du monde de la tradition.
Après un pape jugé progressiste, les cardinaux pourraient se tourner vers une ligne plus conservatrice. Plusieurs de ces cardinaux opposés au pape François sont en tout cas recensés comme papabili. Parmi eux, Robert Sarah, bien qu’approchant les 80 ans. Ancien préfet de la Congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements, ce cardinal guinéen n’a pas hésité à exprimer ses désaccords avec le pape François.
L’Américain Raymond Burke a fait figure d’opposant le plus affirmé au pape François. Les cardinaux pourraient aussi élire l’archevêque de Budapest Péter Erdö, fin connaisseur de la vie vaticane que l'on dit en bons termes avec le premier ministre hongrois Viktor Orban et très réservé sur l'accueil des migrants. Désigné comme opposant "modéré", il trancherait tout de même avec le profil du pape François.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !