"Ceci est mon corps" : un témoignage bouleversant sur les abus dans l’Église
Ceci est mon corps, c'est le titre d'un documentaire de Jérôme Clément-Wilz. Il raconte les 6 ans de procédure judiciaire à l'encontre d'un prêtre pédocriminel dont il a été victime enfant, à Orléans. Le réalisateur explique comment la création de ce documentaire lui a permis de continuer de se reconstruire après les traumatismes qu’il a subi.
Jérôme Clément-Wilz © Mélanie NiemiecLe film met en scène le parcours d'un homme qui explore sa mémoire pour faire la vérité sur les crimes qu'il a enduré. Le réalisateur dévoile son cheminement personnel depuis le moment où il porte plainte contre le père Olivier de Scitivaux en 2018, jusqu'au procès en 2024. Le prêtre a été condamné à 17 ans de prison. Ce documentaire donne à voir les entretiens avec ses avocats qui l'accompagnent dans une procédure très lourde, les conversations avec ses parents, les émotions intenses qui le traversent quand sa mémoire lui rappelle des souvenirs traumatisants.
Un parcours du combattant
Pour réaliser ce documentaire, Jérôme Clément-Wilz a dû se replonger dans les méandres de sa mémoire. Des images d’archives le montrent avec ses parents, ses frères et sœurs, célébrant très simplement la vie familiale. "L'ensemble de mon enfance était plongée dans un trou noir, je ne me souvenais vraiment plus de rien", explique-t-il.
Des odeurs sont revenues, des sons, des chansons de la colonie de vacances. Tout m'est revenu par bribes. Puis, de manière beaucoup plus violente, les crimes qui me sont arrivés.
"On n’est jamais vraiment guéri de centaines de viols et d’agressions sexuelles", déclare le réalisateur. Il ajoute cependant que le film, résultat de 6 années de tournage, est "comme une sorte d’ami" avec lequel il pourra désormais avancer dans la vie. "Il m'a permis de mettre les choses un peu plus au clair sur ce qui m’est arrivé", ajoute-t-il. Dans ce processus, ce sont surtout ses deux avocats qui l’ont aidé. Ils l’ont encouragé dès le début à "utiliser les bons mots", insistant sur le fait que "les mots qu'on utilise ont un sens juridique et donc des conséquences judiciaires. Si on n’emploie pas les mots justes dès le début, on ne pourra pas les utiliser plus tard."
Est-il possible de pardonner ?
Pour Jérôme Clément-Wilz, la notion de pardon "devient abstraite". Il l’assure, "il ne s’agit pas d’effacer une ardoise, comme si une telle histoire pourrait être balayée d’un revers de main". Il estime que l’enjeu est plutôt de "trouver une forme de paix". Cela ne concerne pas uniquement l’abbé de Scitivaux, mais aussi ses parents. Au milieu du film, il se demande si ses derniers lui présenteront un jour des excuses pour avoir douté de sa parole. A leur sujet, il explique que "si l'étendue du manque de protection est avérée, on peut éventuellement se parler plus calmement et envisager de continuer une relation."
Arriver au terme de la procédure judiciaire et parallèlement, à l’achèvement de son film est, pour le réalisateur, une double victoire.
Ce film est brandi. Ceci est mon corps, ça veut dire ça. Regardez-le. À la fois dans ce qu'il a subi, dans ce que vous l'avez laissé subir. Et en même temps, regardez-le dans ce qu'il est en train de reconstruire.


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