Abus sexuels dans l’Église : un rapport du Vatican dénonce des “lacunes systémiques”
La Commission pontificale pour la protection des mineurs alerte sur les "lacunes systémiques" et la persistance d’une culture du silence dans l’Église catholique. Son deuxième rapport annuel, remis au pape Léon XIV, met en avant des témoignages de victimes toujours confrontées à la lenteur et à l’opacité de l’institution.
Mgr Thibault Verny Publié le 16 octobre, le deuxième rapport annuel de la Commission pontificale pour la protection des mineurs dresse un constat sévère sur la gestion des abus sexuels au sein de l’Église. Malgré les réformes engagées, le texte évoque des "lacunes systémiques", un manque d’écoute et des représailles envers certaines victimes.
Une culture du silence toujours enracinée
Quarante d’entre elles ont participé à sa rédaction, certaines témoignant de pressions ou d’excommunications après leurs signalements. "Mon frère était séminariste. L’évêque a dit à ma famille que ma plainte pouvait compromettre son ordination", a raconté l’une d’elles, tandis qu’une autre a rapporté avoir vu sa famille publiquement excommuniée après un signalement.
"C’est un véritable cri que les victimes lancent : elles ne se sentent pas écoutées, pas accompagnées, parfois il n’y a pas de relation empathique ni même de respect", a relevé Mgr Luis Manuel Alí Herrera, secrétaire de la commission, lors d’une conférence de presse jeudi 16 octobre.
Présenté au pape Léon XIV, le rapport de 103 pages appelle à des excuses publiques, des réparations concrètes et plus de transparence dans la révocation des prêtres. Il dénonce aussi une "culture du silence" encore très ancrée, où la coopération des diocèses reste insuffisante.
Particulièrement épinglée, l’Italie — liée historiquement au Vatican — montre "une résistance culturelle considérable à la lutte contre les abus", note le document. Seuls 81 diocèses sur 226 ont répondu à un questionnaire d’enquête. "Les figures d’autorité au sein de l’Église qui ont commis ou permis des abus se sont peut-être considérées comme trop essentielles pour être tenues responsables. La réponse de l’Église aux abus ne doit pas reproduire les mêmes erreurs", fustige le rapport.
L’Église doit adopter une approche systémique de la lutte contre les abus
Dans un entretien accordé à Radio Vatican, Mgr Thibault Verny, président de la Commission, explique que ce second rapport repose sur trois axes : la participation active des victimes, l’utilisation de sources externes pour enrichir les données (comme celles du Comité des droits de l’enfant des Nations unies) et une analyse ciblée par régions.
L’ancien évêque auxiliaire de Paris plaide pour une approche "systémique" de la lutte contre les abus, fondée sur la conversion des mentalités et la responsabilité collective : "Nous ne pouvons pas agir sans les victimes." La commission préconise la création de centres d’écoute accueillants et appelle à adapter les lignes directrices aux réalités locales, tout en rappelant que "chaque vie reste une vie, quelles que soient les circonstances". Pour Mgr Verny, cette écoute sincère est la condition d’une Église "plus juste et plus transparente".

