Centre-Val de Loire
Du bleu, du rose, de l’orange… Ces rubans colorés accrochés aux grilles de la cathédrale d’Orléans sont bien plus que de simples morceaux de tissu. Ils représentent la mémoire des victimes d’abus sexuels dans l’Église et symbolisent un engagement : ne pas oublier. À l’occasion de la quatrième journée mémorielle et de prières demandée par les évêques de France, organisée cette année le 28 mars, de nombreuses initiatives ont été mises en place pour accompagner les victimes et sensibiliser le public.
À l’origine des "rubans contre l’oubli" dans le Loiret, Véronique Garnier souligne l’importance de cette démarche pour les personnes victimes : "Je pense que c'est important pour les personnes qui ont été victimes de voir que petit à petit, on peut parler de ce sujet douloureux, que peut-être, enfin, leur souffrance est reconnue. Ça nous donne un peu l'espérance que ça pourrait changer."
Inspirée d’une initiative australienne née après la révélation de nombreux abus dans une école catholique, cette action vise à matérialiser une mémoire collective. "Il y a eu beaucoup d'abus dans une école catholique des frères chrétiens et les gens, spontanément, ont eu envie de mettre des rubans colorés sur les grilles de cette école. Et d'où l'idée est née de recommencer cette manifestation de solidarité, de soutien. Et puis aussi, peut-être, cet engagement parce qu’on ne veut plus que ça continue."
Ces rubans sont accessibles à tous. Chacun peut y inscrire un prénom ou un message de soutien : "Ça symbolise le fait qu'on pense à cette personne particulièrement pendant cette semaine, qui est justement un temps de mémoire et de prière", explique Véronique Garnier.
Depuis 2015, le diocèse d’Orléans a mis en place une cellule d’écoute des blessures, première du genre en France. Xavier Pesme, son responsable, rappelle que la première demande des victimes est d’être écoutées : "La première chose qu'elles demandent, c'est d'être accueillies, d'être reconnues dans leurs souffrances. Et puis aussi que l'Église reconnaisse tous les manquements qu'il y a eu quelquefois et qui, malheureusement, ont donné la possibilité à des personnes qui abusaient, de continuer à abuser."
L’écoute est une première étape essentielle vers la reconstruction, même si les blessures restent à vie. "Certaines personnes qui parlent ont fait un cheminement, un accompagnement psychologique et ont commencé à se reconstruire. Sachant que je pense que quand on reçoit une blessure de cette ampleur-là, c'est quelque chose qui nous marque pour la vie. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas revivre, mais on revit avec la blessure qui reste."
Face aux révélations d’abus passés et aux attentes de justice, le diocèse d’Orléans a signé des protocoles avec les procureurs de Montargis et d’Orléans, ainsi qu’avec l’association France Victimes Loiret. Xavier Pesme insiste sur la nécessité pour l’Église de ne plus garder le silence : "L'Église prend conscience de la gravité de ce qui est fait et que l'Église ne se taira plus. C'est-à-dire que si l'Église, à un moment ou à un autre, a connaissance d'événements qui peuvent être d'un abus, d'un crime, etc., tout de suite, une obligation de l'évêque d'en faire part au procureur d'Orléans ou de Montargis".
L’association France Victimes Loiret offre également une alternative pour ceux qui ne souhaitent plus avoir de contact avec l’Église : "La première étape, ça peut être l'approche d'une structure qui est neutre, aconfessionnelle et qui peut les écouter de la même façon et les réorienter ensuite, soit vers un accompagnement psychologique, soit vers un soutien juridique."
Pour Véronique Garnier, il est essentiel que les victimes sachent qu’elles ne sont plus seules : "Une personne qui a été victime, quand ça lui revient à la mémoire, elle se croit seule. En fait, il y a un isolement absolu. Et c'est très important, petit à petit, de s'apercevoir que des gens veulent bien vous aider à sortir de cet isolement. Moi, combien de fois j'ai pu dire à des personnes : ‘T'es plus tout seul’."
Dans ce combat contre l’oubli et l’omerta, la sensibilisation joue un rôle clé. En complément des rubans, une messe et la projection du film documentaire "Les Oubliés de la Belle Étoile" au cinéma des Carmes permettent de mieux comprendre les conséquences des abus et de renforcer la prévention. "Comprendre le mal que les enfants subissent, franchement, on a qu'une envie, c'est de tout faire pour prévenir", insiste Véronique Garnier.
Même si la route est encore longue, une dynamique est enclenchée. "C'est vrai qu'on en est qu'au début, mais il y a vraiment, je pense, une prise de conscience", note Xavier Pesme. "Et cette initiative de cette semaine avec les rubans, avec la messe, avec le repas, c'est vraiment pour que les personnes qui ont été victimes, qui ont été blessées, ne soient plus oubliées, ne soient plus mises de côté".
En conclusion, Véronique Garnier adresse un message aux victimes : "Vous n'êtes plus tout seuls. On peut vraiment se soutenir. Vous n'êtes plus tout seuls." Et à la société dans son ensemble, elle rappelle l’importance de la vigilance : "S'il vous plaît, vraiment, faites tout pour protéger le mieux possible les enfants. Parce que la vie d'un enfant qui explose en quelques instants, ce n'est plus sa vie, c'est quelque chose de la mort. Et vraiment, protégeons tous ensemble le mieux possible tous les jeunes."
Un appel à briser le silence, à écouter et à agir pour qu’un tel drame ne se reproduise plus jamais.
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