Dans son encyclique Laudato Si', le pape François insistait sur la "sauvegarde de la maison commune", appelant à une conversion écologique de l’Église et du monde. Dix ans plus tard, quel chemin a-t-on parcouru ? L’Église a-t-elle su transformer ce message en actes ? Analyses avec Martin Kopp, théologien protestant engagé dans les enjeux écologiques et président de la commission "Écologie et justice climatique" de la Fédération protestante de France.
L’encyclique Laudato Si’ a été lue massivement par des chrétiens comme des non chrétiens. Parue six mois avant la COP21, aussi appelée Accords de Paris, elle a connu un fort impact notamment auprès des dirigeants. À l’occasion de sa publication, le pape avait même invité des chefs d'entreprises d'extraction d'énergie fossile au Vatican.
Cette encyclique a soutenu une dynamique œcuménique très importante dont le label Église Verte lancé deux ans après l'accueil de la COP21 à Paris. Les trois grandes assemblées chrétiennes ont participé à son élaboration : la Conférence des évêques de France (CEF), la Fédération protestante de France et l'Assemblée des évêques orthodoxes de France.
Avec le label Église Verte, des décisions très concrètes sont prises comme le choix du produit utilisé pour nettoyer le sol dans une salle paroissiale
Tout d’abord, ce label est basé sur un éco-diagnostic qui commence dans la vie spirituelle des communautés. Ensuite, il s’étend à des choses très pratiques comme "le produit utilisé pour nettoyer le sol dans une salle paroissiale", le but étant d’être cohérent. Le président de la commission "Écologie et justice climatique" de la Fédération protestante de France assure : "C'est vraiment un fruit très concret qui permet de vivre véritablement le message de Laudato Si’".
À travers son encyclique, le pape François a remplacé le terme d'"écologie humaine" par celui d'"écologie intégrale". En passant d'une adjectivation à l'autre, "le but était non seulement de lier le social et l'écologique mais aussi de reconnaître la valeur propre des êtres vivants non humains", explique le théologien. Le pape François s’est inscrit dans la lignée d'Albert Schweitzer, théologien protestant naît il y a 150 ans, qui mettait en avant le fait que tous les êtres comptent pour Dieu.
Le but de l'écologie intégrale était aussi de reconnaître la valeur propre des êtres vivants non humains
Aujourd’hui, la démarche de théologiens protestants diffère de celle des catholiques. Les protestants travaillent sur des perspectives intersectionnelles qui prennent en compte ensemble les enjeux de justice, de genre, de race et anticapitaliste. "Les protestants vont plus loin que ce que le pape pouvait peut-être faire dans l'encyclique car Laudato Si’ comportait une certaine diplomatie", analyse Martin Kopp.
En 2023, le pape a publié un autre texte, Laudate Deum, un texte d'autant plus alarmant et scientifique que Laudato Si'. Martin Kopp confie : "Je le vois comme une réponse à un certain manque de réception, y compris dans le monde catholique". Laudato Si’ a porté ses fruits mais "il y a tout un pan de l'Église catholique romaine et de la société qui est encore dans le déni". Le théologien accuse notamment la désinformation sur internet d’être à l’origine de ce manque de discernement.
Il y a tout un pan de l'Église catholique romaine et de la société qui est encore dans le déni
La première partie de Laudate Deum a un ton relatif à l'urgence. À ce moment-là, les Accord de Paris ont été adoptés mais les objectifs nationaux des États n’ont pas été respectés car "les politiques n'arrivent pas à les atteindre", souligne le président de la commission "Écologie et justice climatique". Malgré certaines limites des textes du pape François, "j'espère personnellement que Léon XIV poursuivra le sillon qui a été ouvert avec Laudato Si’ et Laudate Deum", conclut Martin Kopp.
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