29 avril 2025
Un contre-point au monde actuel
Son dernier acte - traverser la foule rassemblée Place St Pierre en papamobile le dimanche de Pâques- tout comme l’un de ses premiers - se rendre auprès des migrants sur l’ile de Lampedousa le 8 juillet 2013 - témoignent tous deux que François était un pape de la rencontre. Qu’il ait choisit le nom de François indiquait d’emblée qu’il voulait aller à la rencontre des pauvres, mais aussi des musulmans. En effet, En 1219, dans le cadre de la cinquième croisade, François d'Assise a rendu visite au sultan Malik al-Kâmil. Cette rencontre du christianisme et de l'islam n'a cessé depuis huit siècles de nourrir interprétations et représentations. Si le récit d'un saint François prodiguant les lumières de la raison et de la foi à un islam obtus mais subjugué pouvait, au XIXe siècle, conforter l'entreprise missionnaire de colonisation, c'est une contre-mémoire de l'événement qui triomphe aujourd'hui : François serait venu à Damiette en militant de la paix, pour arrêter la croisade et rétablir le dialogue entre les cultures. Son audace naïve rachèterait les fautes de l'Occident.
Dès le début de son pontificat, François a donc été un contre-point au monde actuel. Cela ressort aussi des lignes suivantes tirées de L’Espoir ne vous déçoit jamais, paru chez Michel Laffont et qui sera donc le testament de François : « Ouvrons-nous à la rencontre avec l’autre. Dans un contexte où des nationalismes étriqués et exacerbés et un individualisme radical, fissurent et divisent notre grande famille humaine, les personnes qui arrivent dans nos pays ont beaucoup à offrir à ce « nous » toujours plus grand que nous pouvons construire. Nous devons tendre la main, une main ouverte, une main d’humanité. N’oublions pas que, dans de nombreux cas, ces personnes arrivent après avoir marché durant des jours, des semaines, voire des mois.
Ce serait une erreur de croire que, dans notre société hyper mondialisée, des gens peuvent s’épanouir en marge de la ruine des autres et seraient plus protégés en se refermant sur eux-mêmes. Aider notre prochain à progresser n’est pas seulement une question d’humanité. Même pour ceux qui n’envisagent le monde que comme une balance comptable, cela devait être être une une question de rationalité : notre avenir est uni au leur, personne ne se sauve seul. »
Samedi dernier, lors de l’éloge funèbre du pape, Giovanni Baptista Re, doyen du Collège des cardinaux, a rappelé que François « était très spontané et allait vers les autres de manière décontractée, même ceux qui étaient éloignées de l’Église ».
C’est ainsi qu’en août 2024, il a reçu Franc?oise Nyssen, ancienne ministre de la culture et directrice d’Actes Sud, , pour un entretien prive? de 45 minutes ce qui est un temps long et donne? a? peu de personnes. Elle en témoigne ainsi : « J'ai le sentiment que nous nous sommes bien entendus. Je savais qu'il avait suivi au départ des études de chimie, comme moi, et qu'il avait été lui aussi vers la littérature, dont j'ai senti son amour immense. J'avais apporté un sac empli de livres que nous publions, et il m'a demandé que je les sorte un a? un et que je lui parle de chacun. Je me suis rendu compte combien cet homme était cultive?, éclaire?, éveille?. »
Remarquons que l’éditrice ne croit pas en Dieu. Elle précise toutefois : « Pas besoin pour moi de faire avec un être créateur. Même pour les croyants, Dieu n'est pas forcément une image qu'on honore, la foi peut prendre des chemins différents. »
Pour ma part, j’espère, je souhaite même que les cardinaux qui vont se réunir en conclave pour désigner le successeur de François, éliront un pape qui comprenne cela, et se situe dans sa continuité et partage sa vision du monde. Jean-Marc Aveline, 66 ans à peine, a le profil requis.
Mais une jonction des plus conservateurs - conservateurs de structures dépassées - pour lui faire barrage est malheureusement à craindre.
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