Avant la résurrection, c'est le concept d'ascension qui était "à la mode" dans le monde juif de l'Antiquité. Des figures bibliques, comme Élie ou Hénoch, ont échappé au séjour des morts par ascension. Pourquoi donc a-t-on associé Jésus à l'idée de résurrection ? Et qu'est-ce que ça change au fond, pour les chrétiens, de parler de résurrection ou d'ascension ?
Seuls 13% des catholiques déclaraient croire à la Résurrection de Jésus, révélait un sondage en avril 2009*. La résurrection, c'est pourtant l'idée centrale au cœur de la foi chrétienne. Elle est célébrée à Pâques, la fête la plus importante pour les chrétiens. D'où vient l'idée de résurrection ? Est-elle née avec le christianisme ? Et pourquoi a-t-on préféré dire de Jésus qu'il était mort et ressuscité avant de parler d'ascension, qui est un concept clé de la Bible hébraïque ?
Ascension et résurrection désignent avant tout un moyen d'échapper au shéol. Le séjour des morts revient souvent dans la Bible hébraïque. "C’est un concept probablement emprunté aux Mésopotamiens, précise le Père Jacques Trublet, théologien, spécialiste en Écritures saintes, ancien enseignant aux Facultés Loyola Paris et au Collège des Bernardins, il est aussi membre du conseil éditorial de la Nouvelle revue théologique (NRT). "Le shéol, au fond c’est une espèce de lieu, d’entrepôt, où l’on met les corps... Un lieu associé aux ténèbres."
Le shéol, c'est aussi le "pays de l’oubli", d'après le Psaume 87 (verset 13). Cela signifie "qu'il n’y a plus d’existence, nous dit le Père Trublet, il n’y a plus la mémoire de ceux qui sont sur terre. Il y a une espèce de rupture." Toutefois, "la Bible ne va pas tellement développer ce concept de shéol comme lieu de destination future pour des mortels même si c’est un lieu de transit pour les morts".
Dans la Bible, deux figures montrent que l’on peut échapper à la mort vue comme le néant ou l'oubli : le patriarche Hénoch et le prophète Élie. De Hénoch, on ne sait rien sinon qu’il était un juste et qu’il a vécu 365 ans. Comme le dit saint Paul, "Hénoch fut retiré de ce monde, et il ne connut pas la mort ; personne ne le retrouva parce que Dieu l’avait retiré" (Hé 11, 5)** Le cas de Hénoch, est "la représentation la plus ancienne de la vie après la mort. Dieu vient vous arracher à la pesanteur terrestre et vous emmène avec lui."
Quant à Élie, le Deuxième Livre des Rois décrit "comment le Seigneur [l'enleva] au ciel dans un ouragan" (2R 2, 1)**. "La figure d’Élie dans les traditions rabbiniques est extrêmement fournie, explique le théologien. Élie, comme il n’est pas mort, il est bien quelque part ! Et donc il peut intervenir régulièrement dans la vie des Hommes."
Que retenir de ces deux figures bibliques ? D'abord que "certains personnages de l’Ancien Testament, parce qu’ils étaient justes, ont échappé à la mort", répond Jacques Trublet. On peut donc en déduire que notre destin futur dans l’au-delà dépend en grande partie de ce que nous sommes sur terre.
Par ailleurs, Élie et Hénoch échappent au séjour des morts par ascension. Et du même coup, ils ne sont plus vraiment dans la vie terrestre : "On ne sait pas où ils vont, insiste le théologien, ils sont absorbés en Dieu, d’une certaine façon."
L'ascension est un terme que les chrétiens connaissent bien puisqu'il s'agit d'une fête chrétienne. Quarante jours après Pâques, et la résurrection de Jésus, le Christ est lui aussi monté au Ciel. Ascension et résurrection, les deux concepts existent donc dans la Bible.
Historiquement, le concept d'ascension a donc émergé avant celui de résurrection. La résurrection est devenue "à la mode" entre le Ier siècle avant et le premier siècle après Jésus, explique Jacques Trublet. "Si Jésus était venu une centaine d’années avant, on aurait beaucoup de récits de sa vie après la mort en termes d’ascension plus que de résurrection !"
Si l’ascension est "un concept spatial - il y a un en-bas et un en-haut, ça suppose un arrachement, une rupture et une certaine discontinuité entre les deux mondes" - la résurrection est un concept temporel. "Il y a un avant la mort, il y a la mort et il y a la post mort", explique le Père Trublet. Tout l’enjeu dans la résurrection étant de "montrer qu’il y a une certaine continuité" et que "le corps qui est ressuscité, c’est le corps qui a été crucifié".
Continuité que l’on peut trouver dans le récit de la libération d’Égypte, si l’on l’interprète le Livre de l’Exode avec un regard chrétien. "Nous partons de l’Ouest, qui est la mort, pour aller vers l’Est, qui est la vie. Comme les Hébreux sortent d’Égypte et traversent la mer Rouge, ils ressortent par l’Est face au soleil levant."
Ce qui va ressusciter après notre existence terrestre, ce n’est pas notre corps physique - il n’en restera rien. Ce n’est pas notre esprit, qui ira quelque part. C’est tout ce que nous avons créé de relations...
Selon les Grecs de l’Antiquité, après la mort corporelle, une part notre être continue de vivre - l’âme ou l’esprit. Dans la pensée juive, "Dieu va faire quelque chose avec nos corps, nous dit Jacques Trublet. D’une certaine façon, de même que Dieu nous a créés au commencement avec de la boue, avec la terre du sol, il va reprendre nos propres restes après notre mort, les revivifier et en quelque sorte nous recréer."
Au fond, l’accès à la vie éternelle, soit à travers l’ascension, l’assomption ou la résurrection, c’est "une re-création", analyse Jacques Trublet. Mais une re-création particulière. "Ce qui va ressusciter après notre existence terrestre, ce n’est pas notre corps physique - il n’en restera rien. Ce n’est pas notre esprit, qui ira quelque part. C’est tout ce que nous avons créé de relations dans le corps du Christ, qui, lui, traverse la mort. C'est notre corps relationnel, finalement, qui est éternisable."
Dans la mentalité chrétienne, notre corps et notre esprit sont au service de notre capacité à créer des relations. "Le concept clé, que l’on trouve dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau Testament, ce n’est pas tellement d’aller d’un endroit à l’autre, conclut le Père Trublet. Mais les relations que nous avons créées sont inaliénables et c’est ça qui demeure : relations avec Dieu, avec les autres : c’est ça qui perdure."
* Sondage TNS Sofres/Logica pour Le Pèlerin
** Traduction AELF
Une émission pour découvrir, ou redécouvrir, la Bible via des entrées thématiques comme l’amour, la mort, le pardon... Des questions sur l’humanité auxquelles nous sommes confrontés tout au long de notre vie et dont la Bible peut nous donner des éléments de réponse.
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