
LE POINT DE VUE DE PIERRE DURIEUX - Après la mort du Saint-Père lundi 21 avril, Pierre Durieux a tenu à lui rendre hommage en lui adressant trois mercis.
Il y a trois merci que je voudrais adresser à François.
Il ne s’agit pas d’un bilan. Il est trop tôt pour le bilan. Les historiens s’en chargeront.
Ce n’est pas le moment, non plus, de la canonisation obligatoire. J’entends, jusque dans mon entourage proche, des personnes qui ont été secouées, déçues par le pape François, dans des sens parfois opposés, d’ailleurs.
C’est, pour ma part, le moment du deuil, et déjà de la gratitude.
Le premier merci qui me vient, quand je pense au Pape François, c’est qu’il a été un pape courageux. Il ne s’est jamais laissé enfermer dans les catégories où certains auraient aimé le cornériser : sur l’avortement ou sur Lampedusa : on était d’accord ou pas, mais ses paroles n’étaient pas faciles à prononcer… et il les a données !
On pourrait multiplier les exemples ! Il s’engage en faveur de ses cardinaux qu’il sait injustement accusés, il désavoue sans ménagement ceux qu’il croit coupables. Oui, le pape François était courageux ! Le pape dit ce qu’il pense. Dans ce monde feutré du Vatican, une parole libre, vraiment libre, voilà qui a une valeur rare !
Mon deuxième merci va évidemment à la cohérence de l’homme. François fait ce qu’il dit. Il déroule son programme depuis 12 ans. En fait, tout son pontificat se trouvait annoncé dans Evangelii Gaudium, et tout Evangelii Gaudium trouve son origine, à l’évidence dans sa vie (car on ne devient pas le pape des pauvres à 77 ans !) et dans sa déclaration lors des congrégations, juste avant le conclave, avant même son élection, quand il avait dit : « une Eglise qui s’occupe d’elle-même tombe malade. L’Eglise est appelée à sortir d’elle-même pour aller jusqu’aux périphéries ».
On ne comprend rien du pape François si on ne se rappelle pas qu’il était en permanence en train de nous décentrer de nous-même ! Parce que Jésus lui-même nous a appelés à sortir, à aller rechercher la 100e brebis… perdue !
Ma troisième action de grâce va à la délicatesse du Pasteur. Oui, il savait décider. Et son management pouvait être autoritaire, expéditif. Mais, en vérité, lors des entretiens que nous avons eus ensemble, j’ai surtout constaté un homme disponible, à l’écoute. Une fois, j’ai vécu un dialogue pendant 3 heures et je ne l’ai pas vu une fois distrait par son portable, ni dérangé par son secrétaire… Cette présence singulière qui vous fait exister, qui fait de vous un interlocuteur unique au monde, qui vous laisse à penser que le pape… c’est vous !
Il correspondait avec nous par des petits mots manuscrits qu’il faisait envoyer par son secrétaire, en pièce jointe, qui terminaient inéluctablement par une mention de la Vierge Marie… à la main ! Une fois, il avait demandé un verre d’eau pour, en fait, le proposer à sa traductrice. Il avait cette disponibilité intérieure qui l’a conduit à dire aux colocs Lazare : je vous ai suffisamment parlé pendant toutes ces rencontres. Maintenant, c’est vous que je j’aimerais écouter. « Que vivez – vous ? Qu’est-ce que l’expérience de la rue peut enseigner à l’Eglise ? » La synodalisé n’était pas une marotte, un slogan, mais dès le début de son pontificat, sur le balcon de Saint Pierre, jusqu’au bout, et en particulier lors de cette audience de 2021, on l’aura vu écouter, chercher à recevoir… et pas seulement à donner.
La délicatesse, c’est celle aussi qui signe un départ.
Il est mort pendant cette année de l’espérance, qu’il avait lui-même souhaitée. Il aura vécu son chemin de croix, ces dernières semaines, et il aura certainement dû lutter pour garder l’espérance. Il est mort un lundi de Pâques, car « le disciple n'est pas plus grand que le Maitre ». Il fallait que la résurrection du Christ fût célébrée, pour partir.
Voilà, il voulait être enterré à Saint Marie Majeure. Il aura réussi à « sortir » du Vatican, jusque dans sa mort.
Bref, le pape François dit ce qu’il pense. Il fait ce qu’il dit. Avec délicatesse. Jusque dans sa sortie.
Merci François. Trois fois merci.
Le Christ est ressuscité. Son vicaire est mort. L’Eglise continue. L’espérance aussi !
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- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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