
LE POINT DE VUE DE CLOTILDE BROSSOLLET - Clotile Brossollet revient, après l'émotion sur la victoire du PSG en Ligue des Champions, et en particulier sur les événements qui en ont découlé. Des violences qui reflètent pour elle la faillite de notre système libéral.
Je ne me savais pas si fan de foot ! Oui, j’ai regardé la finale de la Ligue des Champions ! Depuis ce qu’on appelait la Diagonale du Vide. L’épicerie du village qui sert aussi de café, unique lieu de sociabilité, retransmettait le match à la demande des Parisiens de passage. La place était étonnamment vide de ses habitués, animée par les hurlements des seuls Parisiens. Le foot, sport populaire par excellence a, cette fois-ci, été l’incarnation parfaite des analyses du géographe Christophe Guilluy. La Ligue des Champions n’a passionné que les habitants des métropoles, bobos parisiens du centre urbain et jeunes des cités, souvent issus de l’immigration. Ce soir-là, il nous a été de donner de voir le caractère profondément inégalitaire de la métropolisation et la disparition de la France périphérique. Pas étonnant : l’Île-de-France est la première région dans laquelle les catégories populaires, ouvriers et employés, sont devenues minoritaires.
De nombreux faits de violence ont eu lieu en marge de la victoire du PSG. On pourrait gloser longtemps sur l’incapacité de l’État à assurer la sécurité des biens et des personnes et sur la faiblesse des peines encourues par ceux qui ont comparu immédiatement devant la justice. Mais cette soirée a donné à voir, encore une fois, la faillite éducative qui conduit, une partie de la jeunesse, issue de ces quartiers populaires de la région parisienne, à venir fêter la victoire, dans Paris, sur les Champs-Élysées, à coups de débordements et de pillages. Une jeunesse, à laquelle il n’est pas question de réduire les habitants de ces quartiers populaires, mais une jeunesse qui semble faire de la violence un mode d’expression, un rite initiatique. Une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans le contrat social.
Interrogeons-nous sur l’objet de la ferveur qui a animé les fans de la métropole parisienne. Il ne s’agissait pas de l’équipe de France mais bien de l’équipe d’un club de foot, qui, certes, joue à Paris mais appartient désormais au Qatar. Cet engouement est le fruit du glissement, opéré par la logique ultralibérale, où l’attachement à la nation a cédé la place à l’attachement à une entreprise, dont le but est, par des victoires sportives, avant tout de s’enrichir. Il n’est plus de commun mais l’extension infinie du domaine du marché, nous offre dorénavant de nous mobiliser, de faire corps, pour des agents économiques. Le PSG n’est pas une simple entreprise, il appartient à une filiale du fond souverain d’un émirat. La Quatar, un pays avec lequel nous faisons des affaires mais un pays dont les femmes subissent un système de tutelle masculine. Un pays dont nous connaissons ses manquements au respect des droits de l’homme et plus particulièrement de ses ouvriers depuis l’organisation de la Coupe du monde de foot en 2022. Un pays à qui les Frères musulmans et le Hamas doivent un très grand soutien. Un pays donc auquel les jeunes qui ont déferlé sur les Champs s’identifient.
Une chose est certaine, Emmanuel Macron n’a pas été à la hauteur des enjeux qui se dissimulaient derrière cette victoire. Communiquant en reprenant les codes des casseurs, quelques jours après la publication d’un rapport sur la présence des Frères musulmans en France, recevoir les joueurs du PSG et leur propriétaire pour tenter d’en faire une fierté nationale, c’était déclarer la défaite de notre pays devant la crise multiforme que nous impose la décadence du libéralisme.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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