Mercredi 4 juin, plusieurs éditeurs de vidéos pornographiques ont suspendu leur accès en France. Une décision en forme de bras de fer avec le gouvernement, mais tout de même un progrès dans la lutte contre ce fléau de santé publique.
Trois des principaux sites pornographiques mondiaux ont coupé depuis hier l’accès à leurs contenus pour les internautes français.
Surtout, n’allez pas croire qu’il y ait eu une soudaine prise de conscience de la part de ce qu’il faut bien appeler – plutôt que leur faire de la pub en les nommant… – des « géants du porno ». Non, ce blocage spontané est avant tout un chantage de ces sites, pour protester contre l’obligation légale de vérifier que leurs utilisateurs sont majeurs. La loi française les y contraint, après avoir tergiversé des années et dû affronter le lobbying d’un marché qui pèse des dizaines de milliards d’euros dans le monde. Imaginez-vous tout de même que le leader du secteur génère plus de trafic que Netflix !
Bien souvent, jusqu’ici, les sites pornographiques se contentaient de demander à leurs visiteurs de cliquer sur un bouton « J’ai plus de 18 ans ». Symbole de toute l’hypocrisie de cette industrie, qui ose prétendre qu’il ne serait pas possible de vérifier l’âge d’un utilisateur derrière son écran. On y arrive bien pour certains jeux d’argent, on est aujourd’hui capable de vérifier l’identité d’une personne pour lui délivrer un recommandé électronique… et on voudrait nous faire croire que ce serait impossible, ou pas assez sécurisé, quand il s’agit de vidéos pour adultes ? D’autant qu’il existe aussi une méthode qui, sans être parfaite du côté des ados, aurait le mérite de protéger les plus jeunes : conditionner l’accès à la présentation de codes de carte bancaire. Il est vrai que ça pourrait faire tache sur un relevé de compte – donc dissuader certains… Cela dit, pas sûr que ce soit la pire des conséquences.
Même avec de la mauvaise volonté et des intentions douteuses, ce blocage est une bonne nouvelle. Ce n’est pas qu’une très bonne nouvelle, c’est aussi la plus grande avancée sur ce sujet depuis des années ! Même si, ne soyons pas naïfs, il existe d’autres sites, et certains trouveront évidemment des moyens de contourner les restrictions. Et puis, surtout : que de temps perdu et combien de dégâts ! Dans une étude de 2023, l’Arcom estimait que les mineurs représentent 12 % de l’audience des sites pornographiques. C’est 2,3 millions chaque mois ; près d’un tiers des moins de 18 ans ; plus de la moitié des garçons de 12 ans et plus. Bien trop souvent, ce sont donc ces sites qui se chargent de l’éducation sexuelle de nos enfants et la plupart du temps contre leur gré.
Avec des conséquences dramatiques en termes d’image des femmes, de rapport à la sexualité, ou encore d’addiction. Ce qui est terrible, c’est qu’il aura fallu des décennies pour faire passer la pornographie d’une affaire de liberté, de culture ou de morale à ce qu’elle est vraiment : une question de santé publique. Parce que l’exposition à ces images est, pour les plus jeunes, une violence faite à leur intimité, qui a des conséquences sur leur construction. Parce que la croissance de la pornographie correspond à une forte hausse des agressions sexuelles entre mineurs. Parce que le laisser-faire sur ce sujet est à rebours de toutes les prises de conscience de ces dernières années en matière de violences sexistes et sexuelles, particulièrement à l’égard des femmes.
Alors, ne nous leurrons pas : le bras de fer avec les plateformes ne fait sans doute que commencer. Il serait bon que, dans ce combat, la mobilisation soit plus forte, et la lutte mieux partagée. Mais en attendant, bon débarras !
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- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
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- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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