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Pourquoi avons-nous peur de vieillir ?

Un article rédigé par Valentine Balestrini et Melchior Gormand - le 12 juin 2025 - Modifié le 13 juin 2025
Je pense donc j'agisPourquoi avons-nous peur de vieillir ?

Vieillir fait partie de la vie, mais beaucoup de personnes redoutent cette étape. Les changements dans le corps, la perte d’autonomie, ou encore la crainte de ne plus être reconnu par les autres, cette peur du vieillissement est présente chez beaucoup, même jeunes. Est-ce à cause des rides, de la fatigue, ou de la peur de perdre sa place dans la société ? Une émission Je pense donc j'agis, présentée par Melchior Gormand.

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Pas un seul mais plusieurs vieillissements

Le vieillissement est une expérience universelle, mais chacun la traverse différemment, selon son histoire, son entourage et son état de santé. "Vieillir, c’est avant tout un travail psychologique, individuel, en couple ou familial pour intégrer les changements liés à l’âge", explique Jean-Marc Talpin, professeur émérite de psychopathologie et de psychologie clinique à l’Université Lumière Lyon 2. Contrairement à certaines idées reçues, les personnes âgées ne finissent pas toutes en EHPAD : 80 % d’entre elles vieillissent à domicile. Depuis une trentaine d’années, de nombreux dispositifs d’aide à domicile se sont développés, portage de repas, aide ménagère, présence de compagnie, permettant à des personnes qui, en théorie, ne pourraient plus vivre seules, de rester dans leur logement. "Cela aide à dédramatiser la situation. Il ne faut pas avoir l’impression que l’EHPAD est la seule option", souligne-t-il.

Vieillir, c’est avant tout un travail psychologique.

"Il n’y a pas un vieillissement, mais des vieillissements", rappelle Stéphane Golliard, directeur de l’EHPAD Saint-Paul de l’Ordre de Malte France à Saint-Etienne. L’histoire de chacun influence profondément la manière dont il vieillit. Il existe une distinction importante entre le vieillissement progressif, qui s’installe lentement avec le temps, et le vieillissement brutal, souvent déclenché par un accident ou un événement soudain. "Certaines douleurs apparaissent progressivement. Il faut apprendre à vieillir", souligne Jean-Marc Talpin. Face à ce vieillissement progressif, de nombreuses personnes parviennent à s’adapter : elles réaménagent leur quotidien, trouvent de nouvelles façons de faire et acceptent peu à peu certains renoncements.

Le poids du regard social

Le vieillissement est autant un processus mental et psychologique qu’un changement physique. Face aux autres, les rides et les cheveux blancs peuvent être difficiles à accepter, et les regards pèsent parfois lourd. "Lorsque les personnes âgées reçoivent des visites ou participent à des fêtes, il est important pour elles de se sentir présentables", souligne Stéphane Golliard. Pour aider les seniors à mieux s’accepter, des activités spécifiques sont mises en place. "Nous avons organisé une exposition sur les rides, composée uniquement de photographies de leurs mains. Cette activité a été très appréciée, ils ont ainsi mis en lumière leur propre vieillissement", précise le directeur de l’EHPAD.

Notre société est aujourd’hui marquée par le jeunisme, c’est le culte des valeurs associées à la jeunesse. Autrefois, on parlait de crème anti-rides, aujourd’hui elles sont appelées anti-âges, ce qui renforce l’idée qu’il ne faudrait pas vieillir", observe Jean-Marc Talpin. "Après le décès de mon époux, j’ai beaucoup été soutenue par un prêtre qui m’a dit que j’entrais dans le bel âge", confie Aliénor, une auditrice de RCF. Mais cette formule comporte un risque : celui d’idéaliser la vieillesse. "On dit souvent qu’une personne qui vieillit bien est celle qui ne vieillit pas vraiment. Cela revient à penser que le bon vieillissement, c’est celui qui permet encore de tout faire, et que le mauvais, c’est celui où l’on doit affronter des difficultés", reconnaît Jean-Marc Talpin.

Je ne vois plus l’utilité de rester en vie.

Passé ce "bel âge", les difficultés s’imposent parfois comme une réalité douloureuse. "À 75 ans, ma forme physique a nettement décliné depuis deux ans, à cause d’une maladie oculaire rare et incurable. Je ne vois plus l’utilité de rester en vie. J’étais mon propre patron, je pouvais tout faire. Aujourd’hui, je préfère partir plutôt que de me sentir inutile", confie Guy, un auditeur. Arrivées à un certain âge, certaines personnes âgées ont le sentiment de n’avoir plus rien à accomplir dans ce monde. "Nous pouvons comprendre ces ressentis. C’est notre rôle de proposer un lien social permanent, que ce soit avec la famille, les bénévoles ou entre résidents, pour rompre cet isolement, explique Stéphane Golliard. 

Dans les EHPAD, une forme d’entraide se crée entre résidents, et ces comportements peuvent encore être porteurs d’aide, chacun à leur manière. Le rapport à la mort évolue aussi avec l’âge. "Ils n’ont pas peur de mourir, mais redoutent la douleur et la souffrance. La mort fait partie de la vie", poursuit Stéphane Golliard. Certains expriment même clairement leur volonté de partir. 

Trouver du sens à la vieillesse

L’un des facteurs qui inquiète le plus les personnes âgées, c’est la solitude. Pourtant, il est essentiel de distinguer solitude et isolement. La solitude désigne le fait d’être seul qu’elle soit choisie ou subie et peut offrir un moment de répit ou, au contraire, faire surgir un sentiment de vide lorsque les liens sociaux viennent à manquer. C’est là que les professionnels ont un rôle clé à jouer : favoriser le lien social pour éviter que les aînés ne se retrouvent isolés. Toutefois, pour certains, la solitude reste un choix pleinement assumé. En EHPAD, certaines personnes âgées expriment clairement leur volonté de préserver leur tranquillité. "Il y en a qui ne veulent absolument pas voir d’autres gens. Ils gardent leur liberté de décider, ils stimulent les capacités de chacun", témoigne Stéphane Golliard.

Il ne faut pas chercher à répéter le passé à l’identique.

Malgré tout, même à un âge avancé, la vie peut encore réserver de belles surprises. "J’ai perdu mon mari après 46 ans de mariage. Puis j’ai rencontré quelqu’un d’autre, et j’ai revécu comme à mes 16 ans", confie Christine, une auditrice. Les perspectives évoluent, bien sûr, mais elles peuvent devenir source de réconfort : l’essentiel est d’être là l’un pour l’autre, de s’accompagner mutuellement. "On retrouve de nouveaux projets, on ne reste pas figé sur ce qui est perdu. Il faut regarder ce qui reste possible. Les étapes de la vie sont des réajustements. Et surtout, il ne faut pas chercher à répéter le passé à l’identique", conclut Jean-Marc Talpin.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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