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Comment l’école contribue-t-elle à la construction d’une société plus inclusive ?

Comment l’école contribue-t-elle à la construction d’une société plus inclusive ?

Un article rédigé par Maxime Cossé et Melchior Gormand - le 20 juin 2025 - Modifié le 20 juin 2025
Je pense donc j'agisComment l’école contribue-t-elle à la construction d’une société plus inclusive ?

L’inclusion des personnes en situation de handicap demeure un enjeu majeur en France. L’école, en tant qu’institution centrale de socialisation et d’apprentissage, joue un rôle fondamental dans ce processus. Elle ne se limite pas à transmettre des savoirs ; elle participe à promouvoir la diversité, et bien sûr, à poser les bases d’une société plus ouverte et solidaire. Comment, concrètement, l’école contribue-t-elle à bâtir une société véritablement inclusive ? Quels dispositifs, pratiques pédagogiques et engagements permettent de répondre aux besoins spécifiques des élèves tout en favorisant le vivre-ensemble ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.

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"Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus de tous les citoyens”. Et des droits fondamentaux, celui de l’accès à l’éducation est l’un des principaux.

Depuis la loi de 2005 en France, qui affirme le droit à la scolarisation de tous les enfants, y compris ceux en situation de handicap, les acteurs du milieu constatent de nombreux progrès. Mais les besoins restent très importants et demandent au corps enseignant de s’adapter à une situation jonchée de nombreux problèmes.

Des politiques pour une école plus inclusive qu’avant

“Le nombre d’élèves en situation de handicap a augmenté dans le système scolaire, d'abord dans le premier degré, puis dans le second, constate Hervé Benoit, maître de conférences en sciences de l’éducation et rédacteur en chef de La nouvelle revue - Éducation et société inclusives. Si ce dernier considère la loi de 2005 comme une avancée importante, Hugo Dupont, lui, estime que l’école abonde en ce sens “depuis la loi de 1975, la loi d’orientation des personnes handicapées disait aussi que la priorité devait être le milieu ordinaire.

Le nombre d’élèves en situation de handicap a augmenté dans le système scolaire, d'abord dans le premier degré, puis dans le second. 

Hervé Benoit

Maître de conférences en sociologie à l’Université de Poitiers, Hugo Dupont rappelle également "l’importance de l’arsenal juridique international, comme l’UNESCO, dès 1994, qui dit que tous les enfants, à besoin éducatif particulier, qui peut être assimiler de manière plus large au handicap, devaient être à l’école ordinaire. Il rappelle aussi l'existence de la Convention internationale des droits des personnes handicapées “qui rappelle l’importance de leurs droits pleins et entiers à être dans les institutions de droit commun”.

L'Union européenne, en 2010, a annoncé une recommandation de la désinstitutionalisation des enfants handicapés, dans laquelle elle demande trois choses : qu’on cesse d’orienter les enfants en milieu spécialisés, que les enfants qui y sont soit renvoyés vers l’école ordinaire, et, une fois ces deux étapes dépassées, que l’on ferme les établissements spécialisés”, rappelle enfin Hugo Dupont. Celui qui est aussi directeur de la Collections Handicap Vieillissement Sociétés aux Presses Universitaires de Grenoble émet l’idée que ces conventions “ont ouvert la voie à une critique forte de ces solutions spécialisées.

L’inclusion pour répondre aux besoins des enfants

Si certains en viennent à critiquer les établissements spécialisés, Hervé Benoit considère que l’établissement spécialisé vient compenser l'inaccessibilité de l’école, tandis que l’éducation publique se trouve aujourd’hui dans une période de transition vers un système plus inclusif. Solveg Wattel, professeur de lettres chargée de mission au pôle éducation du Secrétariat général de l'Enseignement Catholique, au service accueil de tous, acquiesce et regrette “qu’il faille choisir, que l’on soit toujours dans une opposition, il faut que l’enfant soit complètement inclus dans une classe ordinaire, ou qu'il soit dans une logique de protection complète. Sans certitude, elle estime que “peut-être, la réponse se trouve dans l’éducation intégrale de la personne. Il ne faut pas considérer l’enfant comme un patient ou un élève, mais avant tout comme un être humain. Que ce soit au niveau des familles ou de l’enfant, il faut ouvrir le champ des possibles, que l’on ne ferme pas une porte parce qu’on en a pris une autre. Les établissements spécialisés et l’école inclusive doivent être complémentaires, et associés pour le bien-être des enfants.

On “handicapise” de plus en plus d’enfants, c’est-à-dire que ce qu’on appelait auparavant difficulté scolaire, devient handicap aujourd’hui. 

Hugo Dupont

S'il convient d'assurer le bien-être de tous les enfants, Hugo Dupont se pose la question : “est-ce qu'aujourd’hui, nos enfants vivent avec davantage de personnes différentes ?”. Il estime ainsi que “ma fille de 8 ans, aujourd’hui, a déjà connu beaucoup plus d’enfants en situation de handicap que moi dans toute ma scolarité”. Mais regrette le fait que la mixité soit encore au point de mise en place. Pour lui, “on “handicapise” de plus en plus d’enfants, c’est-à-dire que ce qu’on appelait auparavant difficulté scolaire, devient handicap aujourd’hui”. Hugo Dupont soulève aussi la question des stéréotypes, des comportements qui stigmatisent, dans les cours de récréation. “Rappelons que cela fait 60 ans que les garçons et les filles suivent le même programme et sont dans des établissements mixtes, et le patriarcat se porte à merveille”, critique-t-il, estimant que “les établissements scolaires doivent expliquer aux enfants ce qu’est la différence”.

Quand on parle de handicap, il faut savoir de quel handicap on parle. Je suis grand-mère, j’ai une petite fille de 9 ans, qui est polyhandicapée à 80 %, donc elle ne marche pas, elle est sourde et ne parle pas”, raconte Jeanne au standard. “Elle ne peut même pas aller à l'école. Pourquoi vouloir supprimer les établissements spécialisés ? Il n’y en a pas assez, à tel point qu’il faut 4 ans pour avoir une place, déplore l’auditrice. “Chacun est différent, c’est-à-dire que si on parle d’inclusion, on parle d’individualisation dans l'accompagnement, concède Hugo Dupont. “Bien sûr que l’école peut faire souffrir des enfants handicapés, et que des parents se voient dans l’obligation d’envoyer leurs enfants en établissement spécialisé”, regrette-t-il. Mais il ajoute “qu'il ne faut pas avoir une vision figée de l’école, l’école peut évoluer

Du chemin encore à parcourir

Si on rend l’école inclusive, il faut des classes de 15 élèves maximum”, estime Hugo Dupont. Face à l’état de la crise actuelle du corps enseignant, face à des classes de 30 élèves, le sociologue concède que l’inclusion est difficile à mettre en place. “Il y a des études sociologiques récentes qui montrent à quel point l’inclusion fait souffrir les enseignants”, explique-t-il. “Quand vous interrogez les enseignants, tout le monde est d’accord pour dire que tous les enfants ont leur place à l’école. Mais ils n’arrivent pas à mettre en place cette inclusion dans les conditions dans lesquelles il leur est demandé de travailler”.

Si on rend l’école inclusive, il faut des classes de 15 élèves maximum. 

Hugo Dupont

Le niveau et l’exigence de l'institutrice demande parfois à un enfant atteint d’un handicap d’en baver pour arriver à un niveau qu’il ne peut pas atteindre”, regrette Liliane, une auditrice. Pour Hugo Dupont, les enseignants sont sous le coup d’injonctions contradictoires : “il faut faire une place à tout le monde et en même temps, il faut suivre les programmes”. Comme Liliane, il souligne ainsi que l’élève handicapé accède à l’école et jouit de son droit absolu. Mais, Hugo Dupont constate aussi que cet élève doit faire face à des capacités à acquérir “un curriculum explicite, des programmes et des choses qu’il doit connaître à la fin de l’année, et du curriculum caché, c’est-à-dire de ce qui est attendu d'un élève pour être qualifié d’élève, notamment rester en place, savoir se concentrer, etc”. Hervé Benoit estime, “qu’il est parfois question de compétence professionnelle, du sentiment de compétence professionnelle de l’enseignant, et qu’il s'agit d’installer un continuum de diversité des enfants, plutôt que de les classer dans une catégorie donnée”. Le chercheur renvoie d’ailleurs la responsabilité au ministère de l’Éducation, et considère que “les institutions doivent faire en sorte que ce droit à l’inclusion soit applicable, alors qu’il ne l’est pas toujours”.

L’école est un creuset d’humanité, elle façonne dès les premières années notre manière d’habiter le monde, de le penser et de le partager”, résume Solveg Wattel. Plus qu’un lieu d’apprentissage, l’école est le microcosme de la société, un terrain fertile où les jeunes pousses apprennent à vivre ensemble.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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