Le post-partum, ce moment de bascule dont on parle (enfin)
Souvent idéalisée, la période postnatale reste un bouleversement majeur, physique et psychologique, pour de nombreuses femmes. Entre fatigue, émotions à vif, corps en reconstruction et solitude parfois pesante, le post-partum n’a rien d’un long fleuve tranquille. Trois professionnelles (Alice Piat, thérapeute de couple, Gaëlle de Decker, psychologue clinicienne et psychanalyste, et Vanessa Boukhetaïa, référente de l’association Maman Blues) nous aident à lever le voile sur cette réalité souvent tue.
Le post-partum, pas toujours rose © Gaëlle BizeulUne période de transition, pas toujours rose
Le post-partum commence au moment de l’accouchement, mais quand s’achève-t-il vraiment ? La question, simple en apparence, ne trouve pas de réponse unique. “Le minimum, c’est quarante jours, ce qu’on appelle parfois le “mois d’or” dans certaines cultures”, explique Alice Piat, thérapeute de couple. "Mais en réalité, les effets physiques et émotionnels peuvent durer jusqu’à six mois, voire un an pour certaines femmes."
Un an, confirme Gaëlle de Decker, psychologue clinicienne : “Il faut distinguer le baby blues, qui est un contre-coup émotionnel normal, de la dépression post-partum, plus profonde et durable. Beaucoup de femmes non diagnostiquées traînent des symptômes pendant des mois.”
Durant cette période, tout le corps et tout le psychisme sont en chantier. “Il faut se réparer, réapprendre, s’adapter”, détaille Alice Piat. “Il y a les contractions, la chute hormonale, la fatigue, les saignements… mais aussi la découverte d’un bébé qu’on ne connaît pas encore. C’est un étranger. Et cette rencontre peut être déroutante.”
Le poids du silence
Vanessa Boukhetaïa, qui a elle-même traversé un post-partum difficile, se souvient d’un sentiment d’isolement : “J’avais du mal à comprendre ce qui m’arrivait. J’étais submergée par les pleurs de mon bébé, et je ne trouvais pas d’écoute adaptée.”
Les équipes de maternité, souvent débordées, ne sont pas toujours formées à repérer la détresse psychique postnatale. “On se concentre beaucoup sur le bébé, pas assez sur la mère”, regrette Gaëlle de Decker. Pourtant, certaines maternités développent aujourd’hui des unités de périnatalité dédiées à cet accompagnement, pour soutenir le lien mère-enfant dès les premiers jours.
Préparer l’après, pas seulement l’accouchement
La prévention reste le parent pauvre de la maternité. “Les cours de préparation se concentrent sur l’accouchement, mais rarement sur “l’après””, déplore Alice Piat.
Pourtant, il existe des dispositifs utiles : rendez-vous prénatal précoce, entretien postnatal, visites à domicile par les sages-femmes. Encore faut-il que les femmes soient informées. Toutes les trois, thérapeute, psychanalyste, représentante d’asociation, plaident pour que les femmes qui accouchent “repartent de la maternité avec une vraie “trousse de survie” : contacts de professionnels, associations, lieux d’écoute”.
Des initiatives émergent : le Post Partum Tour sillonne la France pour informer et sensibiliser, tandis que des associations comme Maman Blues ou Le Nid proposent écoute, groupes de parole et même repas livrés aux jeunes mamans épuisées.
Le rôle crucial de l’entourage
“Les trois jours à la maternité passent vite. Puis on rentre chez soi, et on est seule”, rappelle Gaëlle de Decker. D’où l’importance de l’entourage.
“Quand le conjoint a été sensibilisé, il repère mieux les signaux”, poursuit Alice Piat. “S’il comprend que la mère a besoin de repos, d’écoute, d’aide concrète, alors il peut jouer un rôle majeur dans la prévention des troubles.”
Mais le soutien ne doit pas se limiter au couple. “La maternité doit faire partie du collectif, non plus être une affaire individuelle”, note Vanessa Boukhetaïa. “Amis, voisins, famille : tout le monde peut être une main tendue.”
Lever le tabou
Aujourd’hui, le post-partum sort peu à peu de l’ombre. Podcasts, chroniques, humoristes : le sujet s’installe dans l’espace public, libérant la parole des mères.
“Plus on en parle, plus on normalise le fait que cette période puisse être difficile”, souligne Alice Piat. “Ce n’est pas un échec d’avoir besoin d’aide. C’est même le signe qu’on prend soin de soi, et de son enfant.”
Car le vrai message est là : le post-partum n’est pas une faiblesse, mais un moment de vulnérabilité qui demande du soutien, de la bienveillance et du temps. Et si on apprenait, collectivement, à entourer les mères plutôt qu’à les juger ?
Pour en savoir plus :
Maman Blues – Accompagnement du post-partum
Ameli – Après l'accouchement : le retour à la maison
Ministère de la santé – Dépression post-partum : un accompagnement possible


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