Le procès Le Scouarnec touchera à sa fin d’ici quelques jours. Les plaidoiries des parties civiles ont débuté mardi 20 mai à Vannes. Trois mois après le début des audiences devant la cour criminelle du Morbihan, le procès de ce chirurgien accusé de violences sexuelles sur près de 300 victimes n’a pas suscité le même intérêt médiatique que l'affaire Betharram ni de prise de position politique, déplorent associations et victimes.
Joël Le Scouarnec est jugé depuis le 24 février par la cour criminelle du Morbihan. Les plaidoiries des parties civiles ont débuté mardi 20 mai à Vannes. Ces plaidoiries sont thématisées en raison du nombre effarant de victimes : 299, la plupart mineure au moment des faits.
Mais malgré le caractère "hors norme" du dossier, il n’a pas suscité la même médiatisation que l’affaire Bétharam, révélée quelques jours avant le début du procès. "Il ne se passe, rien. On n'a pas eu de réaction politique, voire sociétale. Malgré l'épreuve de ce procès, on est obligé de mettre de l'énergie pour se faire entendre", déplore Manon Lemoine, l’une des victimes du chirurgien.
Réunies au sein d’un collectif, une cinquantaine de victimes espèrent un sursaut et se sont mobilisées lundi 19 mai. "On est intimement convaincus que ce procès est un laboratoire à ciel ouvert de l'ensemble des défaillances systémiques, explique Gabriel Trouvé, lui aussi victime de Le Scouarnec.On attend vraiment une transformation sociétale, un questionnement profond et systémique qui permette vraiment de comprendre en profondeur ce qui s'est passé pour créer un vrai dispositif d'accompagnement, un vrai système de prévention." Le collectif demande ainsi la création d'une commission interministérielle.
Le procès aurait pu être le moyen de rouvrir le débat sur la lutte contre la pédocriminalité en France. "En définitive, c'est une occasion ratée. Ce procès mettait en lumière un certain nombre de dysfonctionnements et le gouvernement a manqué de communiquer sur les mesures déjà prises pour améliorer les choses", constate Solène Podevin-Favre, co-directrice de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Le caractère plus politique de l’affaire Bétharam impliquant le Premier ministre François Bayrou a aussi "contribué à éclipser le dossier Le Scouarnec".
Le procès de Joël Le Scouarnec ne peut pas être le procès de la seule responsabilité de l’accusé. C'est ce qu'estiment les parties civiles. Car selon elles, cette affaire contient bien une dimension politique vu les défaillances multiples qui ont permis au médecin de nuire durant des décennies."Qu'est-ce qui a permis à cette personne de pouvoir poursuivre un parcours criminel aussi longtemps ? On parle de 30 années !, interroge Frédéric Benoist, avocat de l'association La Voix de l'Enfant. Cela tient au silence. Au silence présent dans la famille, mais aussi au silence dans l'environnement professionnel, dans les hôpitaux, et puis le silence des autorités de santé, des ordres de médecins. Ils savaient dès 2005 pour la consultation de fichiers pédopornographiques et qui n'ont rien fait".
Selon les victimes, les associations et les avocats, il est désormais temps de remettre à plat le dispositif de lutte contre la pédocriminalité."On ne peut pas empiler les dispositifs les uns après les autres, comme on le voit aujourd'hui. Il faut réfléchir dans la globalité, la protection de l'enfant, la détection et l'accompagnement des personnes, il faut mettre en œuvre une politique globale de protection de l'enfance. Passer de la réaction à l'action" souligne Solène Podevin-Favre. Cela doit aussi "impliquer la prévention" souligne Me Frédéric Benoist rappelant "le très faible budget" du seul dispositif de suivi en France destiné aux pédophiles. "Dix fois inférieur à ce qui se fait en Angleterre ou en Allemagne. Comme si les victimes en France étaient dix fois moins importantes que dans ces pays", conclu-t-il.
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