Procès le Scouarnec : des avocats de victimes optent pour la plaidoirie commune
C’est une étape clé qui débute à Vannes (Morbihan), ce mardi 20 mai 2025 dans le cadre du procès de Joël Le Scouarnec : les plaidoiries. Certains avocats de victimes ont décidé de plaider, non pas individuellement, mais collectivement et par thèmes. Entretien avec maître Cécile de Oliveira. Avocate du barreau de Nantes, elle représente deux parties civiles.
Cécile de Oliveira © Aske Avocats conseilsMaître Oliveira, dans quel état d'esprit abordez-vous l'ouverture aujourd'hui des plaidoiries ?
C'est toujours un moment fort et un moment solennel que l'ouverture des plaidoiries. Chaque avocat vient s'exprimer pour ses clients, mais vient aussi faire un retour sur ce qu'il a perçu de ce procès, de la personnalité de Joël Le Scouarnec et de tous les moments forts de ces mois de procès qui viennent de s'écouler. Donc, c'est un moment important dans le procès.
Une trentaine d'avocats de parties civiles sur soixante ont fait le choix d'une plaidoirie commune. Vous en faites partie, pourquoi ce choix ?
Chaque avocat va évidemment défendre ses clients. C'est-à-dire que chaque partie civile sera évidemment défendue avec le sérieux et la déontologie de chaque avocat, que l'on soit dans ce groupe ou non.
Après, l'objectif d'une répartition des thèmes généraux qui peuvent être abordés dans ce procès est une façon classique et habituelle de travailler en concertation quand on est face à un procès hors norme. L'objectif poursuivi comme dans tous les procès particulièrement denses et longs, c'est de convaincre la cour criminelle. Cela peut passer par le fait de réfléchir ensemble à des thématiques qui nous semblent devoir être abordées dans ce procès. C'est aussi le signe d'une certaine solidarité entre avocats.
Une plaidoirie collective à l'image du procès V13
C'est le signe de ce que l'ensemble des victimes et parties civiles ont probablement ressenti : des émotions communes et fortes. Se dégage de ces rencontres entre les victimes, qui ont été peut-être favorisées par le fait qu'elles étaient regroupées dans une salle de déport à distance de la salle d'audience et à distance de l'accusé, il s'est dégagé entre elles, très souvent, une solidarité importante. Probablement, que cette plaidoirie est aussi un témoignage de cette solidarité entre les personnes victimes.
Comment s'est passée cette préparation ? Vous vous êtes appuyée aussi sur des précédents comme le procès des attentats du 13 novembre ?
J'ai l'habitude d'intervenir dans des affaires criminelles et lorsque l'on est plusieurs avocats, c'est pour moi la règle que d'essayer de trouver une façon de travailler ensemble dans l'intérêt de nos clients. Que l'on soit d'ailleurs en partie civile ou en défense, comme c'était le cas pour les procès de terrorisme du 13 novembre.
Effectivement, on continue à travailler dans cette méthodologie qui consiste à réfléchir : qu'est-ce que l'on veut dire et comment le faire pour que chacun le présente à sa manière, mais d'une façon qui évite peut-être des répétitions... Mais pour autant que l'on fasse partie de ce groupe ou non, chaque avocat va travailler en conscience et avec des ontologies.
Comment les victimes que vous représentez ont accueilli cette mise en commun ?
Mes clients ont accueilli très favorablement cette mise en commun du travail. Ils trouvent que c'est une façon intelligente de travailler dans cette affaire.

Comment ça va se passer en terme de prise de paroles ?
On s'est réparti d'une façon très précise les ordres de passage des plaidoiries et les temps de parole de chaque avocat, de façon à ce que l'on puisse tenir dans le planning raisonnable. De grands thèmes vont être abordés et développés au cours de ces plaidoiries.
Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?
Les thèmes sont : les conséquences dramatiques des actes sur les victimes, la personnalité très particulière et totalement exceptionnelle de Joël Le Scouarnec et les institutions avec le conseil de l'ordre des médecins (réaction ou non, absence de vigilance, etc). Ceux qui ne font pas partie de la plaidoirie collective, de la même manière, présenteront chacun leur tour les observations qui leur paraissent pertinentes.
On se nourrit de ces semaines d'audition, de ce que l'on a vu, de ce que l'on a senti...
Évidemment, cette plaidoirie se fait, d'une part, à partir des rencontres que l'on a avec nos clients. Ensuite, de l'impression qu'a fait sur notre raison l'attention à ce procès à ces moments d'audience forts. Comment est-ce qu'on peut présenter d'une façon synthétique et pertinente, des arguments qui viennent convaincre la cour criminelle ? Donc c'est un travail, à la fois, de réflexion intellectuelle juridique et d'appel aux émotions de nos clients ainsi que les émotions de l'avocat.
Un délibéré attendu le mercredi 28 mai
Vous portez la parole des victimes que vous défendez. Comment se positionner par rapport à cela humainement ?
On travaille avec indépendance, c'est-à-dire avec une forme de distance nécessaire. On n'est pas directement victime. On travaille avec humanité et l'humanité nous amène à nous rapprocher de ce qu'ont ressenti nos clients. C'est un travail d'aller-retour entre notre raison et nos émotions. Et c'est un travail qui demande, je pense, beaucoup d'introspection et de sérieux.
Dans ce travail de préparation des plaidoiries, le fait que l'accusé reconnaisse les faits ça change aussi la donne ?
Oui, ça fait un procès extrêmement différent de celui qu'il aurait été s'il avait continué à prétendre que certains gestes étaient des actes médicaux. Ça change la façon dont on présente les choses. Mais on en pense aussi quelque chose de ces aveux de Joël Le Scouarnec. Je m'exprimerai moi sur ce sujet. Je pense que c'est important de ne pas pré-plaider.
Pour conclure maître, qu'en attendez-vous ?
Moi ce que j'attends, c'est surtout que mes clients, les victimes et au-delà, puissent avoir un sentiment de justice à la fin de ce procès qui devrait intervenir, on l'espère, le 28 mai prochain.
Et puis un espoir supplémentaire qui serait que Joël Le Scouarnec ait une part de sincérité dans le fait de vouloir changer ses comportements pédophiles. Ça, je n'en sais rien à ce stade. C'est une situation pénale complètement exceptionnelle d'un seul accusé avec 299 victimes. On souhaite évidemment qu'il y ait peut-être une vigilance particulière des institutions sur des personnalités perverses qui exercent des fonctions de médecin.


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