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Joël Le Scouarnec : le procès d'un système

Joël Le Scouarnec : le procès d'un système

Un article rédigé par Ambre Moreau - le 19 mai 2025 - Modifié le 20 mai 2025

Alors que le procès de Joël Le Scouarnec touche à sa fin à Vannes, des victimes et leurs proches se sont rassemblées, ce lundi 19 mai, devant le palais de justice. A travers une prise de parole collective, ils alertent sur l’inaction des institutions face aux violences sexuelles dans le milieu médical et demandent la création d’un comité interministériel.

 

associations victimes JLS ©Ambre Moreauassociations victimes JLS ©Ambre Moreau

“ Ce procès n’est pas seulement celui d’un homme mais du système “ 

Devant les marches du tribunal de Vannes, sur la chanson “Je t’accuse” de Suzane, les membres du collectif des victimes de Joël Le Scouarnec se tiennent en silence, les mains sur la bouche. Devant eux, des objets symboliques : une poupée dénudée, un cahier d’écolier, des vêtements d’enfants. L’ambiance est solennelle, marquée par l’émotion. Plusieurs victimes ont lu à voix haute les mots de leurs enfants : des lettres, des phrases simples, qui disent la peur, l’incompréhension et parfois la colère. 

 

Ce n’est pas seulement nous qui sommes touchés. Ce sont aussi nos enfants. 

 

Dans son témoignage, une maman évoque les mois d’errance pendant lesquels elle s'est sentie accusée, lorsque son fils Gabriel ne parvenait plus à mettre des mots sur son mal être. Aujourd’hui, Gabriel prend la parole. Il dénonce « un problème systémique » qui, selon lui, dépasse le cas individuel de l’ancien chirurgien. Le collectif, qui regroupe une cinquantaine de parties civiles, insiste : ce procès ne doit pas en rester là. Dans une lettre ouverte, il affirme que cette affaire révèle « une chaîne de défaillances institutionnelles, d’alertes ignorées, de responsabilités diluées et de silences complices ».

 

Un comité interministériel demandé pour enclencher une réforme

 

Ce 19 mai 2025, à trois semaines du verdict, les membres du collectif de victimes de JLS ont adressé une lettre ouverte à trois membres du gouvernement : les ministres de la Santé, de la Justice, et la haut-commissaire à l’Enfance. Ils demandent la création d’un “comité interministériel” dédié à la prévention des violences sexuelles dans les institutions. A travers ce comité, les victimes attendent une réforme structurelle qui prenne en compte l’ampleur et la spécificité des violences sexuelles dans le milieu médical. 

 

Voici ce que ce procès doit permettre d’engager, selon le collectif :

 

1 : Mieux protéger les enfants victimes de violences sexuelles :

 

● Déployer des dispositifs clairs, pérennes et accessibles pour faire parler

les enfants et les écouter, dans tous leurs lieux de vie (école, hôpital, famille,

structures spécialisées), avec des professionnel·les systématiquement

formé·es à cette mission.

● Rendre légalement obligatoire le signalement par les médecins de toute

suspicion de violences sexuelles sur mineur·es, afin de lever toute ambiguïté

et d’assurer une protection immédiate.

 

2 : Prévenir durablement les violences sexuelles dans les institutions : 

 

● Interdire l’exercice de toute profession de santé à toute personne

condamnée pour des violences sexistes ou sexuelles, et appliquer

strictement l’article L.4113-14 du Code de la santé publique pour permettre

la suspension immédiate dès l’ouverture d’une enquête.

● Responsabiliser les ARS (agence régionale de santé), le CNOM (conseil national de l'ordre des médecins) et les CDOM (conseil départemental de l'ordre des médecins) dans leur mission de vigilance et de protection, en imposant des obligations de transparence, de réactivité et de sanctions effectives.

● Donner aux établissements de santé un accès encadré au casier

judiciaire des soignant·es, notamment lors des recrutements ou en cas de

signalement.

● Protéger les lanceurs et lanceuses d’alerte, en leur garantissant un cadre

sécurisé et un traitement rapide et impartial de leurs signalements.

 

3 : Repenser la réponse judiciaire face aux violences sexuelles : 

● Repenser en profondeur les méthodes d’enquête en matière d’infractions

sexuelles :

→ Intégrer une analyse criminologique et comportementale (profilage)

pour mieux évaluer la dangerosité et le risque de récidive.

→ Adapter les orientations d’enquête afin de détecter plus efficacement la

sérialité des violences et éviter qu’elles ne soient traitées comme des faits

isolés.

● Reconnaître juridiquement la sérialité des violences sexuelles comme une

circonstance aggravante, au même titre que la vulnérabilité ou la contrainte.

● Mettre en place un parcours d’accompagnement spécifique et renforcé

pour les victimes de violences sexuelles, incluant un soutien judiciaire,

psychologique et social adapté.

→ Réaliser un diagnostic national de l’offre d’accompagnement existante,

des outils et structures disponibles, afin de mieux répondre aux besoins

réels des victimes.

 

Le collectif souligne un contraste : “ Dans d’autres affaires plus récentes, des commissions parlementaires ont été créées dès l’enquête, pourquoi ce silence dans notre cas ? “, questionne Manon, membre du collectif. Pour elle comme pour les autres, l’objectif reste le même : que cette affaire soit la dernière.

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