Plus de 400 démissions de maires par an depuis la dernière élection municipale : la mairie est un mandat de plus en plus repoussant pour nombre. Les conditions d'exercice du mandat se dégradent. Les violences contre les édiles augmentent et poussent les maires à jeter l'éponge. Pour analyser le phénomène : Jean Petaux, politologue, et Camille Pouponneau, ancienne maire de la commune de Pibrac.
Près de 2200 démissions de maires depuis les dernières élections municipales en 2020. Les maires sont de plus en plus nombreux à quitter les mairies face à la montée des violences à leur égard et face au sentiment de découragement grandissant qui les gagne. Pourtant 7 français sur 10 disent avoir confiance en leur maire. Un amour toxique qui pourrait impacter les candidatures aux élections de 2026.
"Pourquoi le maire est-il l'élu préféré des Français et pourtant celui qu'on invective le plus ? Tout simplement parce qu'il est là à proximité, parce qu'on lui fait confiance et qu'on se retrouve donc à lui parler du manque de professeurs, du manque de gendarmes, du manque de personnel de santé, alors que sur tous ces sujets-là, il n'a pas de prise" détaille Camille Pouponneau, ancienne maire de la commune de Pibrac, qui a démissionné de ses fonctions en octobre 2024. Élu de proximité par excellence, les maires ne peuvent plus traiter un mécontentement qui les dépasse souvent. Camille Pouponneau témoigne : "J'étais très épuisée physiquement et mentalement parce que je suis arrivée avec beaucoup d'entrain, une volonté de faire des projets pour ma commune, d'améliorer la vie des gens et je me suis retrouvée face à beaucoup d'impuissances." 58% des français souhaitent voir leur maire se représenter aux prochaines élections d'après un rapport mené par l'Association des Maires de France et le Cevipof, une réalité qui pourrait ne pas se produire au vu de la fatigue de ces-derniers.
J'étais très épuisée physiquement et mentalement parce que je suis arrivée avec beaucoup d'entrain, une volonté de faire des projets pour ma commune, d'améliorer la vie des gens et je me suis retrouvée face à beaucoup d'impuissances.
À ce sentiment d'impuissance s'ajoutent des conditions de travail particulièrement complexe. Si l'instabilité de l'emploi fait partie du jeu démocratique, les conditions de travail pendant le mandant sont aussi tendues. "Je gérais un budget de fonctionnement de 8 millions d'euros. J'avais une centaine d'agents et mon indemnité à la mairie était de 1127 euros net. Je bossais plus de 70 heures par semaine et je me suis retrouvée au RSA après ma démission. Aujourd'hui, je n'y ai même plus le droit." précise l'ancienne maire de Pibrac. Des conditions de l'emploi qui barrent la route à certaines candidatures aux poste de maire."C'est que vous allez avoir des personnes qui s'engagent seulement parce qu'elles ont un capital économique, c'est-à-dire parce qu'elles ont des revenus par ailleurs, parce qu'elles sont retraitées, parce qu'elles sont en profession libérale, qu'elles peuvent s'engager. Si on veut des jeunes, si on veut des employés, si on veut des agriculteurs, si on veut des ouvriers, il faut qu'on puisse aussi rémunérer correctement ces fonctions." La violence dont sont victimes les maires est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Aujourd'hui les indicateurs sont au rouge pour les maires de France.
Le témoignage de Camille Pouponneau n'est pas une exception. Toujours selon l'enquête menée par l'AMF et le Cevipof, 46% des maires ne souhaitent pas se re-présenter. Une proportion en hausse qui en dit long sur l'état d'esprit des maires de France. Pour Jean Petaux, politologue, les difficultés des maires s'inscrivent dans un contexte plus profond "d'anti-parlementarisme". "Le terme s'applique aux grands élus, mais c'est une forme de distance à l'égard des représentants. Je rappellerais qu'au début du XXe siècle, lorsque les députés ont décidé de se verser une indemnité, elle correspondait à 15 000 francs de l'époque. C'était une façon de lutter contre la corruption. C'était une manière de doter les élus d'une certaine indépendance financière. quand ils revenaient dans leurs circonscriptions, il y avait des manifestations avec des banderoles."
Face à ces difficultés, les maires de France hésitent à se tourner vers l'exécutif. L'an dernier, Emmanuel Macron avait fait l'impasse sur le congrès des Maires de France, privilégiant un déplacement présidentiel. Dans la presse le président de l'AMF, David Lisnard, maire de Cannes, a appelé le président de la République à la démission.
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