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En écho à l'affaire Bétharram, un colloque s'est tenu à Lourdes sur les progrès dans la lutte contre les violences sexuelles dans l'Église. S'ajoute à cela une réflexion sur la gouvernance des organisations religieuses catholiques. L'Église peut regarder ce qui se fait dans le monde de l'entreprise, mais ce qui s'y vit n'est pas non plus transposable à 100 %. Luc Jeanneney, consultant, médiateur et expert pour Concertatio, spécialiste du dialogue avec les parties prenantes, livre ses conseils pour la gouvernance de l’Église de demain.
L'église est riche d'une histoire plurimillénaire dans laquelle elle peut aller se ressourcer mais elle peut aussi regarder ce qui se fait dans le monde civil, de l'entreprise en particulier. Le milieu profane aurait aussi des choses à apprendre sur le savoir-faire des religieux, mais c'est un autre sujet assez peu abordé au demeurant.
Dans une organisation, les parties prenantes sont les salariés, les syndicats, les actionnaires, les clients, les fournisseurs. Le but pour toute entreprise consiste à satisfaire les besoins de celles-ci, comme l’explique Luc Jeanneney.
Si vous envoyez un tiers, vous aurez des vraies paroles,
les gens se mettent à table
Pour les communautés religieuses, la gestion est plus compliquée parce que "vous êtes à la croisée du monde civil avec des personnes engagées, des salariés et du monde religieux avec une communauté, une congrégation et l'Église en France à travers les diocèses". Dans cette configuration, le droit canonique et le droit civil sont appliqués. Pour autant, le dialogue avec les parties prenantes s’avère tout autant indispensable.
Dans l’affaire Bétharram, de nombreuses parties prenantes sont impliquées. Il s’agit d’une école privée sous contrat avec un organisme qui gère l'école, la direction de l'enseignement catholique, le rectorat, les enseignants payés par l'État. Sans oublier les élèves, les parents d'élèves, les salariés et éventuellement les syndicats. Il aurait été nécessaire de faire davantage dialoguer ces parties prenantes entre elles, selon l’expert.
Le collectif Concertatio, auquel Luc Jeanneney appartient, utilise un tiers neutre et indépendant qui va aider les parties à trouver une solution à un problème plutôt que d'aller en justice. "Si vous envoyez un tiers, vous aurez des vraies paroles, les gens se mettent à table", explique l’expert qui en a réalisé une la semaine dernière pour résoudre une difficulté entre deux parties prenantes. Grâce au collectif, ils se sont enfin décidés à signer un accord pour trouver une voie de sortie.
Pour le médiateur, il s’avère indispensable pour une organisation, religieuse ou non, de détecter les signaux faibles le plus rapidement car "la défaillance institutionnelle, elle est surtout au début quand on ne détecte pas ce qui ne va pas".
Si vous n'avez pas une bonne gestion des risques et que vous n'êtes pas allés chercher
les informations, vous êtes passés à côté du problème
Cette gestion des risques renvoie aux sujets de gouvernance. La gouvernance est naturellement chargée de la stratégie, des nominations et des comptes. Elle porte aussi la responsabilité de gérer les risques. La gouvernance dirige l’organisation comme son nom l’indique mais "si vous n'avez pas une bonne gestion des risques et que vous n'êtes pas allés chercher les informations, les prendre en compte, vous êtes passés à côté du problème", affirme le consultant.
Pour l’affaire Bétharram, de nombreuses personnes se demandent pourquoi les 200 plaintes ont émergé si tard. L’expert l’explique notamment par le fait "qu'il y avait un certain nombre de signaux faibles qui avaient déjà été lancés. Et donc il aurait fallu travailler dessus et prendre en compte ces sujets bien avant".
Il s’avère très important d’appliquer la justice sur ces affaires passées mais il faut aussi s'occuper du présent pour préparer l'avenir et une Église plus sûre. Et pour cela, "il vaut mieux prévenir que guérir", résume le consultant.
Pour Luc Jeanneney, la nouvelle gouvernance de l’Église doit être plus transparente. La population civile doit pouvoir visualiser le panorama de son organisation. Il est clair qu’il y a d'une part les diocèses et les paroisses et que la France comprend 100 diocèses avec des évêques et des associations diocésaines. Mais, s’agissant des congrégations, des abbayes et du monde de la vie consacrée, la représentation est plus floue.
Il y a peut-être besoin de faire une cartographie de l’Église afin que les gens comprennent
ce qu'elle représente en France
Selon le consultant, 42 abbayes et 490 congrégations sont recensées en France. Mais il se demande : "Est-ce qu'elles sont toutes actives, grandes, petites ? On ne sait pas". Dans l’Église sont aussi présentes les communautés de laïcs avec les associations privées et publiques de fidèles, de droits diocésains, mais aussi les associations internationales de laïcs. Quelque 110 associations internationales présentes dans le monde sont recensées avec une reconnaissance par le Vatican, directement.
Cependant, d’autres communautés de laïcs plus anciennes n’ont pas été trouvées dans le recensement par le médiateur qui affirme donc : "Je pense qu'il y a peut-être besoin de faire une cartographie de l'Église afin que les gens comprennent ce qu'elle représente en France".
Selon les diocèses, la transparence est plus ou moins accentuée. Pour être plus transparent, il serait donc nécessaire de travailler avec un expert des structures de l'Église pour présenter de manière claire une gouvernance complexe.
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